Directeurs des opérations, programmeurs-analystes, développeurs web, biochimistes, ingénieurs systèmes, médecins généralistes ou spécialisés… Je ne compte plus le nombre de candidats à l’immigration étrangers ultra-qualifiés que je dois diriger vers les programmes fédéraux d’immigration hors Québec étant donné la quantité limitée d’invitations qui sont faites par le Québec aux candidats à l’immigration résidant hors du Canada depuis des années.

Plus le temps avance, plus le Québec perd son attrait pour les travailleurs étrangers qualifiés hors Canada vu l’absence de programme d’immigration concret à leur attention. Ceci est un premier problème, réel depuis des années, mais qui touche peut-être moins le citoyen moyen vu le caractère intangible de l’immigration étrangère.

Toutefois, le manque de vision à long terme ou à tout le moins la poursuite du statu quo en matière d’immigration au Québec – qui a le privilège incroyable et unique au Canada de sélectionner directement ses immigrants économiques en vertu de l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration de 1991 – va bientôt se faire sentir. En tant que fière Québécoise, je ne peux que m’en désoler.

En effet, le ministre canadien de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marco Mendicino, annonçait il y a quelques jours qu’il allait offrir aux travailleurs essentiels canadiens francophones une voie vers la résidence permanente, entre mai et novembre 2021, et ce, pour tous les résidents temporaires au Canada avec un français intermédiaire, œuvrant dans un service essentiel depuis au moins un an. 1 Cette politique rassemble une quantité impressionnante de professions essentielles, avec divers degrés de qualification, et vise particulièrement les travailleurs de la santé – qui comptent de nombreux étrangers qui nous ont soutenus durant la pandémie.

Depuis des mois, les résidents temporaires canadiens ont été confrontés à la dure réalité de vivre sans statut de résident permanent ou citoyen dans un pays en crise. Le gouvernement fédéral a décidé de donner à certains d’entre eux une lumière au bout du tunnel, et particulièrement pour ceux ayant le bonheur de parler notre belle langue française.

La contrepartie ? Il faut vouloir et affirmer solennellement être prêt à s’établir hors du Québec, car le Canada ne peut sélectionner des immigrants économiques pour le compte du Québec vu l’Accord Canada-Québec en matière d’immigration.

Ainsi, ne vous surprenez pas si bientôt, votre infirmière venant du Burundi, votre chauffeur Uber du Guatemala et l’étudiant étranger français qui emballe vos provisions à l’épicerie font leurs valises pour le « reste du Canada ». Bien que le Québec ait certains programmes d’accès à la résidence permanente pour les travailleurs et étudiants temporaires sur son territoire, ses candidats à l’immigration doivent posséder un niveau de français avancé qui est bien souvent inatteignable pour plusieurs, notamment les diplômés et travailleurs anglophones, et sujet à des délais qui sont actuellement de 27 mois de traitement une fois la sélection par le Québec, versus six mois (un peu plus en pandémie, bien sûr) pour les candidats fédéraux. 1 S’ajoute à cela le message dévastateur et particulièrement inopportun envoyé à plusieurs résidents étrangers au Québec à l’été 2020, alors que le seul programme d’immigration économique fonctionnel, le Programme de l’expérience québécoise, a été restreint – entre deux vagues de pandémie.

Si vous pouvez obtenir vos droits comme résident permanent deux fois, voire possiblement quatre fois plus vite et facilement en quittant le Québec, peut-être vous aussi qui lisez cette lettre suivrez-vous la mer Rouge – vers notre gouvernement fédéral.

Après tout, par les temps qui courent, on vise la sécurité avant tout.

1. D’autres conditions s’appliquent, sujet à changement.

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