Au même titre que l’écriture et la lecture, la communication orale fait partie intégrante des compétences évaluées en français langue d’enseignement dans le cadre du Programme de formation de l’école québécoise. L’acquisition d’une telle compétence permet à l’élève, entre autres, d’« apprendre à se questionner et à questionner les autres pour s’informer ou pour recevoir de la rétroaction sur différents sujets » 1. Toutefois, au-delà des exposés oraux, accordons-nous suffisamment d’attention à l’initiation aux techniques oratoires ? Poser la question, c’est y répondre.

Bien parler, pour quoi faire ?

Pour certains, prendre la parole en public représente une source d’angoisse, voire de terreur paralysante au point d’atteindre la glossophobie (la peur de parler en public). Naturellement, parler en public, c’est prendre le risque de s’exposer au regard, au jugement d’autrui. Qu’il s’agisse de passer un entretien d’embauche, de négocier un contrat ou d’exprimer ses points de vue lors d’un souper familial, nul n’échappe au fait que dans la vie de tous les jours, il est amené à convaincre ses interlocuteurs.

L’éloquence, soit l’art de bien parler, de convaincre et de persuader par le maniement de la parole, revêt donc une utilité salvatrice.

Cicéron, ancien homme d’État romain, philosophe et éminent orateur, affirme dans son ouvrage De oratore que la finalité de l’art oratoire se résume en trois mots : movere, docere, placere, soit « émouvoir, instruire et plaire ». Susciter l’assentiment de son auditoire est indispensable à la réussite d’un discours. Mais comment s’y prendre ? Combien d’entre nous sont familiers avec les trois grands principes rhétoriques d’Aristote, soit le logos (appel aux preuves logiques), le pathos (appel aux émotions) et l’ethos (appel à la crédibilité de l’orateur) ? Comment structurer son discours ? Comment travailler son élocution ? Comment gérer son stress ? Comment occuper l’espace ? Comment faire parler son corps en mobilisant le langage non verbal ? Tant d’éléments fondamentaux qui mériteraient d’intégrer le curriculum scolaire.

La parole n’est pas chose acquise. Elle n’existe que pour être prise. On s’en sert, on l’apprivoise, et ce, dans l’espoir d’en faire un outil de pouvoir. En politique comme ailleurs, la parole est conçue comme un instrument de domination réservé à la classe dominante. Mais elle s’avère également instrument d’émancipation que peuvent s’approprier les dominés pour porter leur voix et affirmer leurs idées dans l’espace public. Au-delà d’un enjeu éducatif, savoir porter sa voix, c’est pouvoir participer pleinement au processus démocratique. La rhétorique est donc consubstantielle à la démocratie.

L’enfant mérite d’être entendu

Nos écoles font très peu pour outiller nos enfants à faire entendre leur voix de manière intelligible, fluide et assurée. Ce n’est pas suffisant de les noter sur la participation en classe ou sur leurs présentations orales, nous devons les aider à forger leur confiance et à apprendre à apprivoiser leurs peurs et à valoriser leur voix afin de leur permettre d’affronter avec confiance le monde qui les attend.

Il convient de rappeler que les preuves du lien entre la maîtrise de l’art oratoire et de meilleurs résultats scolaires sont fermement établies.

En effet, selon les recherches de Neil Mercer, professeur émérite d’éducation à l’Université de Cambridge, les enfants à qui l’on enseigne les compétences oratoires obtiennent de meilleurs résultats aux tests de mathématiques, de sciences et de raisonnement que ceux qui ne bénéficient pas de cet enseignement. 2

À une époque où les fausses nouvelles et la polarisation sont monnaie courante, il devient plus que nécessaire de placer l’enseignement de l’art oratoire au premier plan. Véritable levier pour l’atteinte de l’égalité des chances, la maîtrise de cet art doit devenir une exigence de notre programme scolaire, et ce, dès l’école primaire.

1. Programme de formation de l’école québécoise, ministère de l’Éducation, 2001

2. Lisez « We should be teaching kids public speaking in school »

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