« Bilinguisme à la Cour du Québec : Jolin-Barrette doit maintenir fermement sa position. » — Paul Bégin, ex-ministre de la Justice

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Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice du Québec

Quel soulagement ce fut de lire dans La Presse du 16 mars un rappel aussi clair et documenté des prérogatives du ministre de la Justice en matière de nomination des juges.

> Lisez le texte de Paul Bégin paru dans La Presse

Cela a dû réjouir le ministre Simon Jolin-Barette qui ne croule pas sous les suggestions des commentateurs dans son défi d’accoucher d’un projet de loi fort sur la place du français au Québec.

Bilinguisme institutionnel

Paul Bégin a rappelé que c’est la juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau, qui a abandonné dans cette affaire la réserve à laquelle est tenu le pouvoir judiciaire dans notre société en contrepartie des privilèges importants qui sont les siens.

C’est cette juge qui est sortie de son rôle de façon gênante pour accuser publiquement le ministre d’interférence parce qu’il s’inquiétait — à juste titre — de la « bilinguisation » institutionnelle que Mme Rondeau applique depuis des années au processus de nomination des juges dans la majorité des districts judiciaires.

Alors que tout le monde s’entend sur l’importance de renforcer le français, vouloir imposer systématiquement le bilinguisme aux juges francophones de districts majoritairement francophones, sous prétexte que certains de leurs résidants sont anglophones, laisse pantois.

Rappelons que cela aurait pour effet d’interdire aux avocats unilingues francophones d’accéder à la magistrature dans la plus grande partie du Québec.

Cela n’a pas empêché un grand nombre de commentateurs de trouver totalement convaincants les arguments de la juge en chef qui n’étaient pourtant qu’une version modernisée de l’ancienne pratique canadienne-française obligeant les francophones à passer à l’anglais quand se pointait un unilingue anglophone.

Le ministre Jolin-Barrette sait désormais qu’il ne doit pas s’attendre à trop d’appui à ses mesures en faveur du français si elles s’avèrent un tant soit peu controversées, de la part de faiseurs d’opinion défaitistes résignés au déclin de notre langue.

Plusieurs d’entre eux baignent dans une rectitude politique incompatible avec la préservation du pouvoir québécois, alors que d’autres semblent moins s’intéresser au Québec d’aujourd’hui qu’aux luttes fédéralistes-souverainistes des décennies passées.

Cour suprême du Canada

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Mélanie Joly, ministre du Développement économique et des Langues officielles du Canada

C’est comme pour la ministre Mélanie Joly à Ottawa avec son projet d’imposer le bilinguisme aux juges dans le tribunal où cela s’impose le plus, la Cour suprême du Canada.

Tenant compte du pouvoir énorme de cette institution qui chapeaute toutes les autres cours, Mme Joly ne réussirait-elle qu’à faire adopter une mesure aussi structurante sur le plan linguistique et politique qu’il faudrait lui ériger une statue.

On cherche pourtant les appuis dont la ministre fédérale peut se féliciter dans cette affaire. Sûrement pas de cette souverainiste influente dont le seul commentaire irrité fut de dire que cela aurait dû être fait en 1969 ! Bien sûr, et il se pourrait que cela ne se fasse pas non plus en 2021 parce que ce combat n’est pas à la hauteur de la nostalgie des gens comme elle.

D’autres dossiers qui sont dans l’intérêt des Québécois de 2021 ne se régleront pas parce que trop d’énergie va dans des combats perdus d’avance comme le changement de nom de l’aéroport de Montréal — absolument zéro chance ! — depuis que l’on a appris que le père de Justin Trudeau aurait trahi le Québec en 1976.

L’hystérie qui a suivi en dit long sur le caractère perdant d’une partie de nos élites politico-médiatiques. À peu près seuls dans La Presse et au Journal de Montréal, Patrick Lagacé et Denise Bombardier ont noté que la focalisation sur un évènement aussi ancien était la marque d’un problème.

Comme aurait dit mon chum : « Ils ont le piton collé ! »

Losers finis

Rappelons donc qu’un enjeu passablement plus important pour les Québécois de 2021 que les agissements de Trudeau père il y a un demi-siècle, le nom de l’aéroport de Montréal ou l’avenir de la monarchie britannique, c’est que les jeunes ministres Jolin-Barrette et Joly soient capables de faire une vraie différence en faveur du français.

À moins de se résigner à n’être que des losers finis illustrant la fameuse déclaration de Pierre Elliot-Trudeau sur « la trahison des clercs », est-ce trop demander que d’appuyer Mélanie Joly et Simon Jolin-Barrette, au lieu de jouer les enfants gâtés s’impatientant du temps pris par ce dernier à rendre public un projet de loi que l’on s’empressera de démolir ?

Un mot enfin sur l’imposition de la loi 101 aux cégeps. L’audace en faveur du français peut s’avérer non seulement nécessaire, comme cela devrait être le cas ici, mais elle peut être également payante. Essayer laborieusement de faire indirectement ce qu’on est trop peureux pour faire directement causera plus de problèmes à terme que la franche imposition, à un moment controversé, de la loi 101 au niveau collégial.

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