La monarchie, qui n’a jamais vraiment été en odeur de sainteté au Québec, est particulièrement malmenée ces jours-ci. Le bruit des appels réguliers à la modernisation ou à l’abolition des institutions s’amplifie. Le poste de lieutenant-gouverneur est notamment ciblé, bien qu’on reconnaisse les importantes contraintes constitutionnelles qui limitent les options possibles. Nous soumettons ici, pour réflexion, une modeste proposition pour moderniser une fonction qui, somme toute, est essentielle aux régimes parlementaires (et non présidentiels), qu’elle s’inscrive dans une monarchie constitutionnelle comme le Québec, ou une république, comme l’Allemagne.

Dans les systèmes parlementaires, il est nécessaire qu’il existe une institution qui soit à la fois distincte du gouvernement exécutif et distincte de l’assemblée législative, et qui incarne l’autorité de l’État dans son ensemble. Notamment, cette autorité est souvent chargée de sanctionner les projets de loi et de ratifier les décrets gouvernementaux, leur conférant ainsi leur caractère officiel, de dissoudre l’assemblée législative et de déclencher de nouvelles élections, de reconnaître la personne qui formera le gouvernement à la suite d’élections générales, etc.

Un peu comme les pompiers dont on espère qu’ils n’auront pas de feu à éteindre, cette autorité est aussi nécessaire en raison du risque de certains types de conflits qui peuvent éclater entre l’assemblée des élus et le gouvernement, qui doit jouir de la confiance de ces élus.

Il faut alors une autorité neutre et impartiale pour rapidement éteindre les feux, régler le conflit. Par exemple, ce serait notamment le cas si un premier ministre dont le parti est incapable de maintenir la confiance de la Chambre élue après une élection refusait de démissionner. L’autorité devrait alors intervenir pour assurer du maintien du principe du gouvernement responsable. De manière semblable, il est arrivé récemment en Colombie-Britannique qu’une première ministre perde la confiance de la Chambre peu de temps après des élections générales et cherche à en faire déclencher de nouvelles, alors que les autres partis étaient capables et désireux de former un gouvernement de remplacement viable. Dans ce cas, il incombait à cette autorité de refuser la demande de la première ministre et d’inviter le chef de l’opposition à former un nouveau gouvernement.

L’autorité qui remplit ces fonctions, au Québec, est le lieutenant-gouverneur. Il remplit aussi des fonctions protocolaires, comme recevoir les membres du corps diplomatique de passage à Québec, et soutient de nombreuses causes de nature caritative, éducative et sociale non partisanes.

Modernisation de la nomenclature de nos institutions

Depuis au moins le discours de Paul Gérin-Lajoie au corps consulaire à Montréal en 1965, il est question de « l’État québécois » et non de la « province de Québec » dans les communications officielles du gouvernement. L’expression « Assemblée nationale » est aussi venue remplacer « assemblée législative de Québec » depuis 1968. Le tout, malgré leurs désignations dans les textes constitutionnels de 1867 et de 1982. Ces modernisations du langage visent à mieux refléter la nature contemporaine de ces institutions, sans nécessairement en modifier les fonctions constituant leurs charges.

Il pourrait en être de même pour le poste de « lieutenant-gouverneur ».

Pour évacuer certains relents de colonialisme, nous pourrions lui attribuer un nom qui reflète mieux ses fonctions réelles, soit quelque chose comme « le représentant de l’État » ou « titulaire de l’autorité de l’État québécois ».

Il n’est pas ici question d’en modifier la charge, ni d’augmenter ou de diminuer ses pouvoirs qui sont fortement encadrés non seulement par le droit, mais aussi par les conventions constitutionnelles. Il ne s’agirait donc pas d’une modification constitutionnelle à proprement parler. Il s’agirait tout simplement d’utiliser une nomenclature qui permettrait de reconnaître un certain lustre au poste qui, en principe, incarne l’autorité de l’État québécois.

Coopération fédérale-provinciale

Même s’il est entièrement autonome et ne lui est pas subordonné, pour certaines raisons historiques, le représentant ou titulaire de l’autorité de l’État québécois est nommé par le gouvernement fédéral. Il n’est pas possible de transférer ce pouvoir de nomination sans une modification constitutionnelle.

Toutefois, le gouvernement fédéral et celui du Québec ont récemment démontré leur capacité de collaborer en matière de nominations fédérales. La mise en place d’un processus consultatif collaboratif lors de la plus récente nomination d’un juge à la Cour suprême en provenance du Québec en est un bel exemple. Une entente similaire pourrait aussi être conclue pour sélectionner la prochaine personne qui occupera cette charge. Cela ne requiert aucun amendement constitutionnel.

Il ne s’agit ici de rien de révolutionnaire, mais le tout permettrait aux Québécois de s’approprier un peu plus cette institution cruciale au fonctionnement démocratique de l’État.

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