Nous apprenions, au cours des dernières heures, que deux autres femmes ont été tuées dans un contexte de violence conjugale, élevant ce triste bilan à cinq femmes tuées en quatre semaines au Québec. Plusieurs groupes féministes ont pris la parole pour dénoncer ces féminicides et souligner l’urgence d’agir pour assurer la sécurité des femmes victimes de violence et de leurs enfants. Un groupe brille toutefois par son absence, encore une fois : les organismes intervenant auprès des conjoints violents. Pourquoi ces organismes ne prennent-ils pas la parole publiquement, aux côtés des groupes féministes, pour dénoncer ces actes de violence et pour inviter les hommes à faire appel à leurs services ?

En 1992, le ministère de la Santé et des Service sociaux publiait ses orientations pour l’intervention auprès des conjoints violents. Ces orientations stipulent que l’intervention auprès des conjoints violents doit « considérer que le comportement violent est un mode de contrôle appris, perçu comme avantageux » et doit « clairement viser à leur faire reconnaitre et assumer leur responsabilité face à leur violence ». Il est aussi précisé que l’intervention « doit avoir des visées préventives au-delà des interventions thérapeutiques individuelles ». Dans le même sens, la Politique d’intervention en matière de violence conjugale adoptée par le gouvernement du Québec en 1995 souligne que « les agresseurs sont responsables de leurs comportements violents ; l’intervention doit viser à leur faire reconnaître leur responsabilité face à leur violence et à l’assumer ».

Au cours des dernières années, les organismes intervenant auprès des conjoints violents ont diversifié leurs approches, leurs services et leurs sources de financement. Dans ce contexte, nous sommes nombreux à être préoccupés par l’offre actuelle de services.

Le développement de divers programmes au sein de ces organismes, incluant des programmes pour hommes en difficultés et des programmes de gestion de la colère, crée une certaine confusion et soulève des questions concernant leur spécificité et leur approche. Leur mandat semble de moins en moins centré sur la sécurité des victimes et la responsabilisation des hommes ayant des comportements violents.

Notons également que plusieurs de ces organismes n’adhèrent plus à la définition de la violence conjugale privilégiée par le gouvernement du Québec dans sa politique d’intervention en matière de violence conjugale, ce qui engendre des difficultés importantes dans la collaboration et dans l’arrimage des services dans ce secteur.

Des changements nécessaires

En décembre 2020, le Comité d’experts sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale publiait son rapport intitulé « Rebâtir la confiance », dont une des recommandations consiste à « améliorer, encadrer, évaluer les programmes pour conjoints violents et voir à ce qu’ils reçoivent une accréditation ». Nous croyons que cette recommandation doit être mise en œuvre rapidement, puisque l’accès à des services de qualité qui sont résolument axés sur la responsabilisation des conjoints violents est un élément essentiel dans la prévention de la violence conjugale et des homicides conjugaux.

D’autres provinces et États ont d’ailleurs développé des normes précises pour l’intervention auprès de cette clientèle. Nous croyons qu’il est possible de mettre en œuvre cette recommandation tout en préservant le caractère autonome de ces organismes communautaires, dans la mesure où ce statut n’est pas utilisé par les organismes pour justifier le maintien des pratiques actuelles ou pour s’opposer aux processus d’évaluation et d’accréditation.

Dans le contexte actuel, ces organismes devraient redoubler d’efforts pour rejoindre le plus grand nombre possible d’hommes ayant des comportements violents, ce qui exige une présence constante sur l’espace public. Leur message devrait être clair et cohérent, insistant sur la sécurité des victimes et sur l’accompagnement des hommes violents dans une démarche de responsabilisation et de changement.

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