Le 16 mars prochain marquera le 25e anniversaire du Centre Bell. J’ai eu la chance à cette époque de collaborer étroitement avec Ronald Corey. Je tenais à souligner cet anniversaire parce que je ne crois pas que les gens réalisent l’importance de cette réalisation pour le Club de hockey du Canadien et pour Montréal.

Il faut se rappeler que le Forum de Montréal bénéficiait d’un attachement émotif incroyable, ayant été le théâtre de plusieurs décennies d’exploits de nos Glorieux. Ce lieu légendaire était toutefois condamné à la désuétude dans l’ère du hockey moderne qui s’amorçait, alors que les exigences financières allaient devenir beaucoup plus grandes. Bien qu’il ait été un lieu mythique, le Forum n’avait qu’une capacité d’environ 16 000 sièges, il ne comptait qu’une quarantaine de loges, minuscules et mal situées, aucune place de stationnement, et les espaces de commercialisation étaient extrêmement restreints. Il n’aurait pas pu répondre aux besoins de l’équipe ni à ceux des artistes susceptibles de s’y produire. À moyen terme, c’est la franchise des Canadiens dans la Ligue nationale de hockey (LNH) qui aurait été menacée.

C’est Ronald Corey qui a été le premier à comprendre cette perspective inquiétante.

Ce constat est aujourd’hui devenu évident, alors que vous ne pouvez obtenir une franchise de la LNH sans avoir un amphithéâtre moderne avec de nombreuses loges, une expérience conviviale pour les partisans et des conditions technologiques relevées pour les grands réseaux de télévision et les médias d’information.

Il fallait de la vision et une bonne dose de courage pour envisager de quitter le temple…

Lorsque Ronald Corey a fait part de son projet à ses deux bras droits de l’époque, Aldo Giampaolo et François Seigneur, les deux comparses furent incrédules devant l’audace de la proposition et devant l’ampleur du défi. Dans un premier temps, Ronald devait convaincre les propriétaires de l’équipe, Les Compagnies Molson, d’investir une somme colossale pour construire cet amphithéâtre. Rappelons ici que Molson a bâti le Centre Bell sans aucun apport financier public, fait rarissime en Amérique. Par la suite, il fallait obtenir toutes les autorisations et les permis pour réaliser cette construction. C’est à partir de cette étape que j’ai été associé au dossier.

C’est grâce à sa détermination, sa passion et son grand talent de persuasion que Ronald a convaincu les dirigeants et la famille Molson d’investir dans ce projet.

Habile communicateur, Ronald s’est aussi assuré de l’appui des anciens Canadiens : Jean Béliveau, Guy Lafleur, Maurice Richard, et les autres. Il a dirigé ses troupes à tous les niveaux d’approbation, tant internes qu’externes, sans relâche et avec un enthousiasme contagieux.

Tout au long des années de construction et de planification de son grand projet, il en a revu tous les détails. Obsédé par la qualité de la vue de tous les sièges pour les spectateurs de tous les niveaux, il allait lui-même vérifier chaque étape de la construction.

Et que dire des célébrations lors du déménagement du Forum au nouvel amphithéâtre. La vente des sièges du Forum et un encan monstre ont permis de récolter plusieurs millions de dollars remis à Centraide. La cérémonie émotive du dernier match des Canadiens alors que Maurice Rocket Richard a reçu une ovation inoubliable de plus de sept minutes. Le défilé entre le Forum et le nouvel aréna alors que l’on a déménagé les fantômes mythiques du vieil édifice. Pour couronner le tout, des dizaines de milliers de partisans se sont rendus à la journée portes ouvertes pour visiter la nouvelle maison du Canadien.

Jamais je n’oublierai ce matin de printemps alors que du toit du nouvel édifice, Aldo, François et moi voyions cette mer humaine tout autour et réalisions l’ampleur de cet accomplissement.

Aujourd’hui, et depuis plus de 20 ans, je n’ai aucune association avec le Club de hockey du Canadien, si ce n’est le fait d’être demeuré un admirateur. Cette lettre se veut un geste de bonne volonté.

Ronald Corey a toujours été reconnu comme un excellent communicateur. Cette facette de sa personnalité ne doit cependant pas faire oublier ses qualités de visionnaire et de grand leader. Ce sont elles, combinées à son amour pour le hockey, qui lui ont permis de laisser un héritage exceptionnel tant à la Ville de Montréal qu’à tous les partisans. Et c’est son flair qui lui aura permis de recruter Serge Savard, un autre geste audacieux à l’époque. Ensemble, ils furent à la barre de l’équipe pour les deux dernières conquêtes de la Coupe Stanley, en 1986 et 1993.

Merci Ronald, pour cet héritage incroyable.

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