Les directions des universités ne peuvent plus se contenter de dire qu’elles sont attachées à la liberté universitaire, elles doivent adopter des mesures concrètes pour protéger l’intégrité de l’enseignement universitaire et les professeurs.

Que ce soit la demande de renvoi d’un professeur (Université Concordia) qui a lu le titre du livre de Pierre Vallières, Nègres blancs d’Amérique, les accusations de racisme contre une chargée de cours (Université d’Ottawa) qui a expliqué le sens historique du mot « nègre » ou l’autocensure que des professeurs disent pratiquer (Université McGill et Université d’Ottawa), on assiste aujourd’hui à une remise en cause de la liberté universitaire.

Le débat sur la liberté universitaire fait rage depuis plusieurs années sur les campus nord-américains. Au Québec, il s’inscrit dans le contexte des débats sur l’immigration, la laïcité et la langue française.

À part le fait de dire qu’elles défendent la liberté universitaire et l’inclusion, autrement dit « qu’elles sont pour la vertu », les directions d’universités ont jusqu’à présent choisi d’en faire le moins possible. Cette posture n’est pas tenable.

Ce qui est remis en cause est le droit des professeurs de choisir librement le contenu de leurs cours et leurs méthodes d’enseignement. Il est de la responsabilité des professeurs de choisir les auteurs, les œuvres et les théories qui seront étudiés par leurs étudiants.

L’idée qu’on pourrait être à la fois étudiant et professeur, qu’on pourrait à la fois suivre un cours et en dicter le contenu est non seulement contradictoire, mais sape l’autorité des professeurs et de l’institution universitaire.

Si les étudiants se donnent le droit de contester systématiquement n’importe quel aspect d’un cours, et s’ils se donnent le droit de dire ce qui est moralement acceptable ou pas, il risque d’être difficile d’enseigner sereinement.

La mission de l’université remise en cause

Ce qui est également remis en cause, c’est la mission de l’université, qui ne consiste pas tant à protéger les étudiants de tout ce qui peut les troubler qu’à leur donner les outils intellectuels pour comprendre, interpréter et faire sens du monde.

Or, lorsque de plus en plus d’étudiants ne font pas la distinction entre leur époque et une époque antérieure, un argument et une affirmation, un fait et une opinion, il est difficile de discuter rationnellement de sujets complexes et délicats.

Il ne s’agit pas de nier que certains mots peuvent déranger certains étudiants, voire les blesser. Il ne s’agit pas non plus de tout dire en classe. Le bon sens voudrait qu’on fasse preuve de discernement et qu’on respecte les sensibilités de chacun, ce qui s’applique autant aux professeurs qu’aux étudiants.

Présumer automatiquement des intentions malveillantes chez un professeur ne favorise pas le discernement et le respect, encore moins le dialogue et l’inclusion, mais a plutôt pour effet de créer un climat de peur et de suspicion.

Au fond, la raison pour laquelle les directions des universités n’adoptent pas de mesures concrètes pour protéger la liberté universitaire, c’est qu’elles ont peur qu’on les accuse d’être exclusives, inéquitables ou hostiles à la différence.

Or, quand la liberté de choisir le contenu et la mission de l’université sont compromises, cela écorche l’intégrité de l’enseignement universitaire.

Les directions universitaires ne peuvent plus se contenter de dire qu’elles sont attachées à la liberté universitaire. Elles doivent fixer des règles sur ce qui est permis en classe et sur ce qui ne l’est pas. Les recteurs comme les vice-doyens doivent faire preuve de leadership, sans quoi la liberté universitaire n’en sera que davantage compromise.

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