L’adoption en 2012 du Livre blanc L’avenir a un lieu par l’Union des municipalités du Québec inaugurait un nouveau chantier de discussions visant une redéfinition du rôle et des pouvoirs des municipalités. Cinq ans plus tard, le gouvernement du Québec a adopté le projet de loi 122 visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs.

Cette reconnaissance relevait évidemment plus de la rhétorique que d’un réel changement de statut des municipalités. À moins d’une modification en bonne et due forme de la Constitution canadienne, les municipalités québécoises sont et resteront, en vertu du partage des compétences inscrit dans la loi constitutionnelle, des administrations locales dont les pouvoirs, les modes de financement et les modalités d’action sont dictés par le gouvernement du Québec. En d’autres termes, elles sont toujours des créatures de la province, comme aimait à le rappeler Maurice Duplessis.

Les réjouissances consécutives à cette ouverture de Québec auront été de courte durée. Dès l’automne 2018, le gouvernement Legault a rejeté du revers de la main la demande de l’ensemble des maires de la Communauté métropolitaine de Montréal de hausser de 50 $ le coût des plaques d’immatriculation dans les banlieues du Grand Montréal pour financer le transport collectif. Cette rebuffade ne serait évidemment pas la dernière ni la plus sévère.

La saga du tramway de Québec et le dossier du REM montréalais montrent que l’exercice de différentes formes de tutelle du monde municipal est un privilège gouvernemental dont on n’hésite pas à user, voire à abuser.

Que le gouvernement du Québec souhaite avoir un mot à dire dès lors qu’il assume une part importante du financement des projets de transport collectif est tout à fait légitime. Qu’il le fasse en vertu du principe « tasse-toi, mononc ou matante » est plus difficilement recevable. Surtout quand tout donne l’impression que la contre-proposition est improvisée ou relève de motivations qui ont peu à voir avec les enjeux du projet, dont des motivations électoralistes.

Préoccupante condescendance

Cette manière de traiter avec condescendance les municipalités est particulièrement préoccupante dans la région métropolitaine de Montréal. Non seulement le gouvernement québécois a-t-il court-circuité l’Autorité régionale de transport métropolitain — qu’il avait pourtant créée peu de temps auparavant − pour confier à CDPQ Infra, filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec, le mandat de construire le Réseau express métropolitain, mais on a substitué au mécanisme de planification retenu un face-à-face où le gouvernement Legault propose, notamment en vertu de considérations parfois bassement politiciennes, mais où, in fine, CPDQ Infra dispose, d’emblée en fonction des paramètres propres à la financiarisation des projets d’équipements collectifs et d’expertises soumises au secret industriel, et ce, sans avoir de comptes à rendre à qui que ce soit.

Quant aux critiques et aux réserves formulées çà et là, il suffit de leur opposer une fin de non-recevoir que justifieraient le pragmatisme des acteurs concernés et la rapidité d’exécution, dont on oublie de préciser qu’elle est rendue possible par les pouvoirs extraordinaires dont jouit CPDQ Infra.

Le plus désolant dans tout cela, c’est sans doute la célérité avec laquelle les municipalités se sont résignées et ont renoué avec la culture du quémandage. À Longueuil, on souhaitait le prolongement de la ligne jaune avant de se tourner vers un tramway dans l’axe Taschereau pour finalement applaudir un tracé REM. À Montréal, il faut faire temporairement son deuil d’un lien Lachine–centre-ville — rejeté par CPDQ Infra – pour se faire imposer un REM de l’Est dont on doit se contenter de souhaiter que son implantation n’ait pas de conséquences déplorables. À Laval, on a réclamé le prolongement de la ligne orange avant de se porter candidat pour un prolongement du REM. La couronne nord n’est évidemment pas en reste ; ses maires ont récemment fait valoir qu’on leur devait en quelque sorte un REM-640.

Or, personne ne semble s’inquiéter du fait que tout cela se passe en l’absence d’une véritable vision réseau et sans qu’il soit possible de savoir quels seront les coûts réels de cette manière cavalière de faire qui seront laissés en héritage. Apparemment, il faut quand même applaudir. Après tout, comment pourrait-on être contre le transport collectif…

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion