Les données sur la pandémie révèlent de véritables disparités raciales sur le plan des répercussions socioéconomiques

Les répercussions sans précédent de la pandémie ont incontestablement démontré à quel point il est important, aujourd’hui plus que jamais, de fournir aux Canadiens et aux décideurs des données en temps réel de grande qualité pour qu’ils puissent réagir aux répercussions économiques et sociales de la COVID-19 et s’en remettre.

Je suis fier de la rapidité avec laquelle Statistique Canada s’est adapté et est intervenu pour soutenir les Canadiens pendant cette crise. Les données de grande qualité que nous avons fournies en temps opportun ont aidé – et continuent d’aider – nos différents ordres de gouvernement et une multitude d’organisations du secteur privé et d’organismes sans but lucratif à intervenir concrètement pour permettre aux Canadiens de traverser la tempête sans trop de dégâts.

Bon nombre de Canadiens nous ont néanmoins demandé de fournir plus rapidement des données et des analyses encore plus détaillées.

Des données de grande qualité seront, certes, cruciales pour comprendre l’impact de la pandémie et mieux rebâtir dans l’avenir, mais envisager ces données sous un angle unique pourrait nuire aux progrès en matière de diversité et d’inclusion socioéconomiques.

Les Canadiens ont ressenti les répercussions socioéconomiques de la pandémie de différentes façons. Cette année déroutante a mis au jour les inégalités qui touchent les groupes marginalisés partout au Canada et, bien que ces inégalités ne soient pas nouvelles, les données démontrent qu’elles ont assurément été amplifiées et elles mettent en lumière un écart socioéconomique grandissant entre les groupes racialisés et non racialisés.

Alors que nous célébrons le Mois de l’histoire des Noirs – qui a pour but de reconnaître les importantes contributions que les communautés noires ont apportées et continuent d’apporter à la société, le moment est idéal pour souligner la résilience dont ont fait preuve les Canadiens noirs ainsi que les communautés diversifiées du Canada tout au long de l’histoire et, plus particulièrement, dans le cadre de la pandémie actuelle.

Selon les données antérieures à la pandémie, des progrès considérables étaient en voie d’être réalisés en ce qui concerne l’égalité des chances économiques, notamment grâce aux conditions favorables du marché du travail, ce qui avait pour effet de favoriser une croissance économique inclusive. Nous avons assisté à une diminution substantielle du taux de pauvreté, qui est passé de 14,5 % en 2015 à 11 % en 2018, ainsi qu’à une hausse rapide du taux d’emploi chez les femmes immigrantes en âge de travailler, qui avait augmenté de 4,2 % en 2019 par rapport à son niveau de 2015.

Cette conjoncture favorable a été fortement ébranlée par les graves répercussions que la pandémie a eues sur le bien-être économique des groupes marginalisés dans l’ensemble du pays. Quelques mois seulement après le début de la pandémie, le taux de chômage avait déjà augmenté de façon bien plus marquée parmi les cinq plus grands groupes désignés comme minorités visibles – y compris les Canadiens noirs et asiatiques du Sud-Est – que parmi les minorités non visibles.

De façon similaire, les entreprises appartenant à des minorités visibles étaient plus susceptibles d’avoir enregistré d’importantes pertes de revenus ; en effet, un quart d’entre elles avait subi une perte de revenus de 40 % ou plus par rapport à l’année précédente. Le secteur des services d’hébergement, qui est l’un des plus durement touchés par les mesures de santé publique, a connu des baisses du taux d’emploi parmi les plus marquées ; les taux d’emploi dans ce secteur ont diminué de 25 % par rapport aux taux observés avant la pandémie. Les effets de la COVID-19 ont touché de façon disproportionnée les membres des minorités visibles qui travaillent dans ce secteur.

En décembre 2020, un membre d’un groupe ethnoculturel sur trois était aux prises avec des difficultés financières, comparativement à une personne sur cinq chez les Canadiens n’appartenant pas à une minorité visible. Ces disparités raciales, qui ne découlent pas exclusivement de la pandémie, ont confirmé l’importance d’envisager les données sous divers angles et de renforcer notre capacité à désagréger les données afin de mieux mesurer ces inégalités et de suivre la progression des mesures prises pour y remédier.

Des lacunes importantes

Bien que Statistique Canada s’emploie depuis longtemps à brosser le tableau de la diversité canadienne par l’intermédiaire du Recensement de la population, il existe encore des lacunes importantes dans les données désagrégées en ce qui concerne certains indicateurs économiques fondamentaux. Avant juillet 2020, les données mensuelles sur l’emploi ne comprenaient pas les importantes répartitions par groupes ethnoculturels – et bien que nous nous efforcions de combler ces lacunes, la réalité est que la taille restreinte des échantillons limite notre capacité à dégager une image claire des taux d’emploi parmi les groupes racialisés.

Mais si les données peuvent nous renseigner sur les nombreux défis auxquels doivent faire face les populations racialisées, les Autochtones, les personnes ayant une incapacité et les autres groupes marginalisés, elles peuvent également nous indiquer les occasions à saisir et les ressources que nous pouvons utiliser à cette fin.

À titre d’exemple, l’immigration est l’une des plus importantes forces motrices de notre économie. En 2016, les immigrants étaient plus susceptibles que les Canadiens de naissance de détenir un baccalauréat et deux fois plus nombreux à posséder une formation dans un domaine de la science, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM). Depuis des années, l’immigration soutient la croissance de la population active au Canada et contribue à la création d’une main-d’œuvre plus diversifiée, plus innovatrice et plus instruite.

Malheureusement, en raison de la pandémie de COVID-19, le Canada a accueilli 61 % moins d’immigrants en 2020 qu’en 2019. De nombreux indicateurs économiques et sociaux actuellement disponibles permettent de brosser un portrait clair et cohérent de l’inclusion économique des populations racialisées. Que nous examinions la situation d’emploi des personnes, le revenu des entreprises ou les différences quant aux répercussions de la COVID-19 d’un secteur à l’autre, il apparaît clairement, lorsqu’on creuse un peu, que les défis que doivent relever les Canadiens ne sont pas les mêmes selon que ces derniers appartiennent ou non à un groupe racialisé.

Parallèlement, les données sur l’immigration et la recherche sur l’innovation dans le secteur privé nous rappellent que, pour mieux rebâtir, nous devons pouvoir compter sur les compétences et la résilience de groupes diversifiés. Notre capacité à mieux rebâtir repose sur l’obtention en temps opportun de l’information nécessaire pour surveiller les progrès socioéconomiques parmi les groupes de la diversité et pour cerner rapidement les tendances émergentes et les enjeux importants au fur et à mesure qu’ils se présentent.

Statistique Canada a à cœur de collaborer avec des organismes et des groupes sans but lucratif et du secteur privé ainsi qu’avec diverses communautés ethnoculturelles afin de mettre sur pied des initiatives conjointes de collecte et d’analyse des données qui lui permettent d’obtenir des statistiques plus représentatives et d’améliorer sa compréhension générale. De façon tout aussi importante, nous entendons également maintenir notre approche pangouvernementale et poursuivre notre collaboration avec nos partenaires fédéraux afin d’avoir accès aux données existantes et de mieux intégrer les systèmes de collecte de données désagrégées tout en continuant de protéger comme il se doit la confidentialité et la vie privée. Les données sont véritablement un travail d’équipe et nous sommes impatients, à Statistique Canada, de renforcer la collaboration et les partenariats afin que tous aient accès en temps opportun à des données détaillées de grande qualité permettant de prendre des décisions qui profitent à l’ensemble de la population.

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