Nous, Québécois issus de la diversité, ne sommes pas différents de l’ensemble des Québécois. Nous payons nos impôts. Nos enfants vont dans les mêmes écoles. Nous avons des proches à l’hôpital. Nous empruntons les routes et les transports en commun pour nous rendre au travail. Nous avons à cœur l’avenir du français en cette terre d’Amérique, que nous savons unique et distincte. Nous vivons, comme tout le monde, les misères associées à la pandémie.

Pourquoi, alors, nous cantonnez-vous trop souvent dans le rôle de pourfendeurs du racisme ? Évidemment, il faut dénoncer haut et fort les injustices. Mais, savez-vous quoi, nous sommes aussi et surtout capables de parler de tout. Des milliers de gens comme moi, issus de la diversité, ont des avis éclairés sur une foule de sujets. Transport, éducation, santé, développement durable, culture, avenir du Québec, agriculture : nommez les sujets, nous pouvons en parler avec justesse et intelligence.

Après tout, nous sommes une catégorie de la population très diplômée, parfois même surqualifiée pour les métiers que nous exerçons. Ce n’est pas mon cas, étant à la tête d’un cabinet d’avocats, mais je connais beaucoup d’immigrants qui exercent des métiers en deçà de leurs compétences.

Des réflexes à changer

Trop souvent, dans les médias, le réflexe est le suivant : un cas de profilage racial se pointe ? Un cas de discrimination ? Une injustice à caractère racial ? Vite ! On appelle le porte-parole attitré d’origine X ou Y. C’est un peu comme si on demandait systématiquement aux Québécois de souche de ne commenter que les questions entourant la langue, par exemple. Beaucoup se plaindraient, à juste titre, de ce casting étouffant.

Les Québécois issus de la diversité sont comme ces acteurs condamnés à jouer toujours le même rôle, encore et encore.

Nous sommes en quelque sorte les William Shatner (l’acteur qui incarnait le capitaine Kirk, dans Star Trek) de la sphère médiatique et politique. À l’instar des grands bonzes de Hollywood qui ne voyaient le comédien que dans le rôle qui l’avait rendu célèbre, les décideurs médiatiques ne nous voient que dans le rôle de victimes et de dénonciateurs d’injustices raciales. Encore une fois, il faut dénoncer, mais peut-on sortir de ce bout de pelouse et aller jouer, comme tous les Québécois, sur le terrain de jeu des grands ?

Il y a, certes, des commentateurs issus de la diversité invités de façon occasionnelle sur des panels. Mais, avouons-le, ils sont rares et sont bien souvent à l’écran parce qu’ils ont occupé une fonction politique auparavant. Où sont les équivalents, issus de la diversité, des Bock-Côté, Josée Legault ou Paul Journet ? Pas sur nos ondes, en tout cas.

Un espace à prendre

Je suis convaincu de ne pas être le seul à me sentir à l’étroit dans ce corridor prédéfini. Je suis également convaincu que l’ensemble des Québécois a soif d’entendre de nouvelles voix qui portent le verbe bien haut. Chers diffuseurs, soyez audacieux. Vous avez l’obligation morale de diversifier vos panels. Par diversité, je n’entends pas par là qu’il ne faille inviter que des personnes immigrantes. Ce ne serait pas plus représentatif que de n’avoir que des personnalités de souche à l’antenne ou à l’écran. Mais pouvez-vous, au moins, essayer d’être davantage représentatifs ?

Je demande également aux personnes comme moi, qui sentent l’appel du service public, de se manifester.

Le goût de servir mes concitoyens m’est venu il y a quelques années, après avoir lu le livre de Lucien Bouchard Lettres à un jeune politicien, paru en 2012. Cette lecture a été un puissant moteur pour moi. Ces mots m’ont particulièrement inspiré : « Si je t’écris, c’est parce que je me désole de la désaffection générale envers la démarche politique et du jugement sévère que ta génération, en particulier, me semble porter sur les élus. Je veux te convaincre de l’importance et de la noblesse de l’engagement politique. »

À tous ceux qui en ont la capacité et le talent, je dis : « impliquez-vous ». Frappez aux portes des médias. Investissez les partis politiques qui vous ressemblent le plus. Exprimez-vous. Le Québec a besoin de vous.

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