La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) a vu le jour en raison de l’histoire du colonialisme et de la domination des États sur ces derniers. Cet instrument international, qui a mis des décennies à être négocié et entériné par les Nations unies, a été élaboré par l’ensemble des peuples autochtones à l’échelle mondiale. Chaque pays qui y a adhéré a minutieusement étudié son intention au préalable. D’abord refusée par le Canada, la déclaration a finalement été soutenue sans réserve en 2016 par le gouvernement fédéral.

Sa mise en œuvre, quant à elle, ambitionne de réparer les bouleversements historiques de l’oppression coloniale. Elle cherche aussi à prévenir que les peuples autochtones soient à nouveau confrontés à des obstacles pour exercer pleinement leurs droits individuels et collectifs.

Lors des audiences de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec : écoute, réconciliation et progrès (CERP), plusieurs Premières Nations étaient nourries d’espoir en écoutant Roméo Saganash. Il a fait un plaidoyer de son projet de loi C-262, qui avait pour objectif d’assurer une conformité des lois canadiennes avec la DNUDPA. Cela pouvait sembler d’une logique élémentaire que Québec puisse aussi prévoir sa mise en œuvre. À cette époque, M. Saganash semblait lui-même optimiste de l’élan que sa « pièce à réconciliation » provoquerait au Québec. Il disait que le Québec était probablement le mieux placé pour bien comprendre les peuples autochtones.

Fondamentalement, M. Saganash avait raison. La nation québécoise saisit en majorité bien des raisons qui doivent nous motiver à mieux vivre ensemble. Les erreurs colonialistes sans cesse répétées sont de plus en plus visibles et reconnues par le peuple québécois. La discrimination et le racisme systémiques sont d’autant plus des notions maintenant reconnues officiellement par plusieurs organisations, municipalités et institutions.

Les méandres du gouvernement du Québec

Si Québec a reconnu par motion, quelques jours à peine après le dépôt du rapport Viens, les principes de la DNUDPA, les actions n’ont pas suivi les paroles. Tout récemment, en décembre dernier, le gouvernement a demandé le report du projet de loi C-15, déposé par le fédéral concernant l’encadrement législatif de la DNUDPA au pays. C’est très révélateur. Bien que Québec se soit engagé à lutter contre le racisme et la discrimination dans ses institutions, le gouvernement actuel refuse de reconnaître l’existence du racisme systémique dans ses services publics.

Québec a par ailleurs aussi refusé une motion importante pour l’ensemble des Autochtones : le principe de Joyce.

Les Premières Nations s’interrogent sur la légitimité de ces différentes prises de position. La DNUDPA est un instrument international qui assure les droits de la personne des Autochtones. Pour les plus frileux, il ne s’agit pas de reconnaître de nouveaux droits ; mais des droits inhérents, soit des droits qui existent déjà.

Par exemple, les articles 21 et 22 de la DNUDPA réaffirment que les peuples autochtones ne doivent pas faire l’objet d’aucune forme de discrimination et qu’ils sont égaux aux autres peuples et individus. De plus, les États sont tenus de prendre des mesures efficaces pour y veiller. L’article 44 prévoit que tous les droits reconnus dans la DNUDPA doivent l’être de la même façon envers tous les Autochtones, hommes et femmes. En gros, on doit y voir partout.

Si certains ont peur du fameux droit de veto, nous pouvons penser que François Legault est en partie responsable de perpétuer cette mauvaise compréhension de la DNUDPA. Il y a une marge entre consentement et droit de veto et le premier ministre ne semble pas vouloir en faire nuance. Sa déclaration, à Chibougamau en août dernier, a bien illustré où il comptait mener les Québécois dans leur compréhension de la DNUDPA : celle-ci serait une menace au développement économique du Québec. Il est incohérent et même dangereux qu’un élu puisse tenir de tels propos sans explication factuelle.

Malgré cette position, il est apparent que de nombreux Québécois veulent voir un Québec exempt de situations discriminatoires. Les mobilisations des derniers mois en font foi.

Alors, comment expliquer la stagnation de ce dossier au sein du gouvernement du Québec ? Il est difficile de comprendre que la notion « urgente » ne prenne pas toute la place en raison de ce qui a été tragiquement porté à son attention la dernière année. Les constats sont sans cesse rapportés, tant sur les formes que sur la place que cette discrimination prend dans le système : les surreprésentations dans le profilage racial policier, dans le milieu carcéral, en protection de la jeunesse, dans le système de justice, etc. Le gouvernement du Québec semble ralentir la volonté des citoyens à une réelle reconnaissance des droits de la personne des autochtones dans cette province.

À plusieurs égards, mais précisément en regard de la discrimination, la partisanerie politique a tout simplement pris le dessus sur les droits de la personne des Premiers Peuples au Québec. Encore une fois.

* Cyndy Wylde est aussi conseillère politique à l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL).

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