En tant que chercheur en criminologie, j’hésite toujours à me prononcer sur des enjeux qui ne touchent pas directement mes champs de recherche. Mais depuis le début de la pandémie, on fait beaucoup référence à une notion bien connue par toutes les personnes ayant eu une formation en criminologie, la dissuasion.

L’idée de dissuasion n’a rien de nouveau puisqu’elle découle des écrits de Cesare Beccaria, un penseur du XVIIIe siècle. De mon point de vue, la notion est utilisée à tort et à travers depuis le début de la crise sanitaire, ce qui fait qu’une petite mise au point s’impose.

La dissuasion est essentiellement une doctrine de la peur. La peur des conséquences de nos actes. Elle tient pour acquis que nous prenons toujours des décisions rationnelles : si tu fais ceci, il arrivera cela, c’est ta décision.

Dans le cas de la pandémie, deux peurs guident la majorité de nos décisions, celle du virus lui-même et celle de la justice. Pourquoi évitons-nous de faire des câlins ? Parce que nous ne voulons pas tomber malades. Cette peur était particulièrement présente au début de la pandémie, quand nous en savions très peu sur ce virus inconnu.

La deuxième source de peur, qui prend plus de place chaque jour, est celle de la justice. Si tu contreviens aux règles, tu auras des sanctions. Par exemple, on peut penser que les voyageurs du Sud n’ont pas tellement peur d’être infectés lors de leur voyage, mais qu’ils pourraient y penser à deux fois si on les menace d’arrestation… C’est le mécanisme principal sur lequel se base le gouvernement : ceux qui ne respectent pas les règles s’exposent à être mis à l’amende, à être arrêtés, à être expulsés. Ce bout-là est facile à comprendre, tant pour les citoyens que pour la police et le gouvernement.

Ce qu’on oublie, c’est que la dissuasion repose essentiellement sur deux éléments, la certitude et la sévérité des conséquences.

La sévérité, c’est à quel point les conséquences sont dures. Si je participe à un rassemblement, je pourrais recevoir une amende de plusieurs milliers de dollars, ce qui fait très mal aux finances de la majorité des gens. La certitude, c’est la probabilité qu’une conséquence se produise. Si je contreviens au couvre-feu, quelles sont les chances que je sois arrêté et mis à l’amende ?

Depuis le XVIIIe siècle, il y a eu des centaines d’études sur les éléments de la dissuasion. Leur conclusion ? La sévérité a peu ou pas d’effet, au contraire de la certitude. Autrement dit, il vaut mieux une conséquence légère mais certaine qu’une conséquence sévère mais incertaine. Autre constat des études sur la dissuasion : si la menace n’est pas assez grande, plusieurs vont choisir de contrevenir aux règles. Ainsi, quand le gouvernement ne recommande pas les déplacements des zones rouges vers les zones orange, mais qu’en même temps, il dit que les contrevenants ne seront pas punis, il envoie le message que la certitude des sanctions est nulle. La doctrine de la dissuasion nous offre donc une quasi-certitude : il y aura des déplacements interrégionaux.

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