Nous soulignons aujourd’hui la Journée mondiale contre le cancer, une journée qui permet de sensibiliser la population et de la mobiliser afin de construire un avenir exempt de cancer. Cette fois, la Journée mondiale contre le cancer sera différente : nous unissons nos efforts afin de combattre une pandémie qui a coûté la vie à près de 2 millions de personnes et bouleversé tous les aspects de notre vie quotidienne. Ce 4 février 2021 est donc fort différent.

Tout d’abord, les bonnes nouvelles : au cours des 30 dernières années, le taux de mortalité lié au cancer au Canada a diminué d’environ 35 % chez les hommes et de 20 % chez les femmes, reflétant les progrès accomplis en matière de prévention, de détection et de traitement précoces.

Toutefois, en raison des perturbations entraînées par la COVID-19, certains de ces progrès pourraient être effacés lorsque les données seront mises à jour. Selon l’Institut canadien d’information sur la santé, entre les mois de mars et juin 2020, une réduction de 20 % des interventions chirurgicales liées au cancer a été enregistrée comparativement à la même période en 2019. Dans le cadre d’une enquête menée en juillet 2020 par la Société canadienne du cancer auprès des personnes atteintes de cancer et leurs proches aidants, 47 % des patients ont signalé que leurs rendez-vous médicaux liés au cancer ont été reportés ou suspendus en raison de la pandémie.

Le report d’un traitement contre le cancer peut devenir une question vitale. Une étude menée au Canada et publiée dans le British Medical Journal démontre que dans certains cas, un retard de quatre semaines dans le traitement d’un cancer peut augmenter d’environ 10 % le risque de décès. Il n’est pas étonnant que les personnes atteintes de cancer et leurs proches aidants soient inquiets.

Ces retards ont non seulement une incidence sur les soins liés au cancer, mais aussi sur de nombreux autres secteurs de notre système de santé, dont la santé mentale.

Avant toute chose, la priorité est de maîtriser la pandémie.

Nous pouvons tous protéger la vie des personnes atteintes de cancer en suivant les consignes de santé publique : porter un masque, pratiquer l’éloignement physique et se faire vacciner lorsque le vaccin est disponible.

Les leçons tirées de la COVID-19 offrent une occasion de « reconstruire en mieux » dans le cas des soins liés au cancer, mais aussi dans tous les domaines de soins. Des solutions innovantes sont encore plus nécessaires. Le progrès de la télémédecine est un exemple de changement positif qu’il faut préserver.

La première modification propose la mise en œuvre de systèmes modernes « d’aiguillage électronique ». Par exemple, le commerce électronique nous permet de suivre les délais de livraison de nos achats. Comparons ce suivi à celui offert à un patient qui apprend qu’une intervention d’urgence est nécessaire pour éliminer son cancer : le médecin généraliste envoie une requête à un spécialiste, mais le patient n’a de son côté aucun moyen de suivre la progression de cette demande avant la confirmation d’un rendez-vous. Des systèmes de transmission directe et de suivi de requêtes provenant de médecins de famille vers les spécialistes existent, mais leur implantation concrète se fait attendre. Ces systèmes innovants aideraient les patients à se sentir mieux informés.

De plus, les listes de patients en attente devraient être centralisées, de sorte que les tests et les interventions chirurgicales prioritaires soient entrepris par le premier spécialiste disponible ayant les compétences appropriées.

Trop de patients se trouvent sur la longue liste d’attente d’un chirurgien alors qu’un collègue dont la liste est plus courte pourrait les traiter, s’ils y consentent.

Enfin, la COVID-19 nous rappelle que beaucoup de procédures peuvent être faites dans des centres ambulatoires conçus pour fournir des soins plus efficacement. Ces centres fournissent des soins de qualité équivalente, à moindre coût, et permettent de réserver des lits aux patients atteints de la COVID-19 et à ceux qui ont besoin d’interventions plus complexes.

Un investissement substantiel sera nécessaire pour résorber l’importante liste d’attente de notre système de soins de santé canadien. Toutefois, nous limiter à investir pour revenir aux « anciennes » méthodes serait une occasion manquée. En cette Journée mondiale contre le cancer, demandons à nos gouvernements et à nos dirigeants du secteur de la santé de se tourner vers l’avenir afin que nous puissions offrir un système de santé plus efficace pour tous les Canadiens. Oui, il faudra investir davantage… mais pour « reconstruire en mieux ».

* Bob Bell est médecin et ancien sous-ministre de la Santé de l’Ontario ; Philippe Couillard est médecin et ancien premier ministre du Québec ; Robert Lawrie est président du conseil d’administration de la Société canadienne du cancer (SCC).

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