J’en ai plein ma bulle opacifiée ! Je me sens plus vieille de cœur et d’esprit par les étiquettes qu’on m’accole parce que je fais partie des 65 ans et plus : vulnérable, intouchable, infréquentable, future délestée. Je devine que les autorités sanitaires et intensivistes auraient envie de nous enfermer à double tour jusqu’à la fin de la vaccination à double dose reportée aux calendes grecques.

Mon spleen est aussi profond que le fjord du Saguenay. Février se pointe sans Festival des lumières. Au secours ! Je m’ennuie de l’effervescence au Quartier des spectacles, des rencontres entre amoureux de culture, du bistro avant ou après. Sans arts vivants, sans vie sociale intense, vécus in vivo. Il y a un sérieux manque d’oxygène dans Montréal. Le rire est si absent. Après 20 h règne un silence morbide.

Nouveaux variants, vaccination ralentie, protocole de priorisation aux soins intensifs, délestage qui retardera des suivis pendant des années, on en mourra.

Et quoi encore ? Les doléances des médecins, des infirmières et des enseignants. Le décrochage des ados. Le déclin des vieux. L’épuisement de tous. Confinement, fermeture de commerces.

Selon le rapport hebdomadaire de la Santé publique de Montréal du 26 janvier dernier, les éclosions actives proviennent surtout des établissements de santé, y compris des CHSLD et des RPA, des milieux de travail, des services de garde et du milieu scolaire, très peu des rassemblements intra-familiaux en lieux privés. Alors pourquoi prolonger le couvre-feu toute la semaine ? Pourquoi ne pas ouvrir des commerces, incluant les librairies, avec fermeture à 18 h, en limitant l’achalandage ? Ne faut-il pas permettre un semblant de vie, une évacuation du stress ?

Impuissance acquise

Je demeure perplexe face au discours lors des points de presse et aux appels à nous sentir mieux coûte que coûte. Dans un récent texte publié dans La Presse, Christian Dufour déplorait l’unanimisme contre-productif chez les Québécois. M’intrigue, moi aussi, l’apparente docilité de mes concitoyens que j’associe à une impuissance acquise. Pourtant, nous savons que le renoncement imposé ne durera pas que 15 ou 28 jours, qu’un mois. Le couvre-feu ? Sans en avoir déjà vécu un, sans données probantes quant à son efficacité, des répondants à un sondage étaient d’accord avec une telle mesure extrême, la souhaitaient même !

J’en suis à un déboussolement de nature à nuire à ma santé cognitive. Drapeau rouge. Je m’impose mon propre délestage. Un délestage des médias, RDI-LCN-CBC-CNN, des opinions de panels d’analystes, d’émissions d’affaires publiques devenues trop anxiogènes, du discours médico-médical omniprésent.

Pendant tout le mois de février, que de la lecture inspirante ne portant pas sur la COVID-19 et ses variants. Ce que j’ajouterai à mon existence déjà trop sage, c’est, dans la mesure du possible, une heure de pause méditative sur mon toit, qui était une ancienne terrasse, assise sur un banc de neige pour faire le vide, m’imprégner de vitamine D, laissant ouverte une fenêtre pour aérer la maison. En plus, quelques minutes de marche prudente avant 20 h, prudente parce que mes genoux flanchent un peu et que les orthopédistes ne pourront m’aider avant cinq ans ! Et à 20 h, j’allumerai une chandelle à la fenêtre du salon en pensant aux disparus.

Un toit, un balcon ou un banc de parc peut servir de tremplin pour donner de la hauteur à son propre spleen.

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