La section Débats accueille dans ses pages un nouveau contributeur régulier. Michael Fortier, homme d’affaires et ancien ministre conservateur responsable de la région de Montréal, nous livrera toutes les deux semaines son point de vue aiguisé sur la politique canadienne, québécoise et parfois internationale. Bonne lecture !

Les avantages d’un accès aux marchés étrangers ne renferment plus de secret pour le Canada et le Québec. Notre économie ne pourrait jamais soutenir autant d’emplois sans la possibilité d’exporter librement biens et services vers plusieurs pays, notamment les États-Unis. Et une fois cet accès obtenu et une fois que l’infrastructure économique y est branchée, on peut difficilement s’en passer.

Les courbettes d’Ottawa à Donald Trump durant les négociations pour le renouvellement du traité de libre-échange illustrent merveilleusement bien le dilemme canadien. Le plan B n’existait tout simplement pas.

La pandémie a toutefois entraîné une réflexion partout dans le monde sur l’approvisionnement.

Le Québec n’a pas l’exclusivité du « panier bleu » – mais au-delà de l’intérêt de produire chez soi certains équipements médicaux périphériques (masques et blouses) et d’épauler des entreprises de proximité temporairement en panne de clients, ce virage ne résistera pas aux chaînes d’approvisionnement et aux habitudes bien ancrées des consommateurs.

Le libre-échange continuera pour bon nombre de pays, dont le nôtre, à offrir une voie nécessaire à l’innovation et à l’enrichissement collectif.

Le cas britannique

On peut donc sympathiser avec les Britanniques qui viennent de couper le cordon ombilical avec l’Union européenne dans un feuilleton interminable qui a débuté au lendemain du référendum de juin 2016. La période postréférendaire a entraîné dans sa chute deux premiers ministres (David Cameron et Theresa May) et promu un troisième (Boris Johnson) dont le talent le plus perceptible jusqu’à présent se résume à avoir survécu à la COVID-19.

Le Parti conservateur britannique s’est souvent déchiré sur la question de l’Europe. Margaret Thatcher a perdu son poste en 1990 précisément sur ce sujet. La fascination de médias pour la mise en lumière des éléments moins glorieux de l’Union européenne (réglementation pointilleuse, gaspillage de fonds publics, etc.) – souvent photos percutantes à l’appui – avait conditionné une génération de Britanniques pour le référendum.

Le Royaume-Uni n’avait pas non plus été épargné d’un vilain et désagréable débat sur l’immigration autour de la crise syrienne. M. Cameron avait pris un risque énorme en lançant le référendum – le Parti conservateur avait forcé sa main certes, mais il n’avait pas saisi l’ampleur de la grogne contre Bruxelles.

Le traité de sortie de l’Union, essentiellement un traité de libre-échange entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, a été signé à la onzième heure en décembre. Les Britanniques peuvent remercier la pandémie qui les a épargnés de manchettes quotidiennes ces derniers mois sur l’état des négociations.

Les effets de toge et les menaces frivoles de Boris Johnson n’ont guère inquiété Bruxelles. Les Britanniques, comme les Canadiens, n’avaient pas de plan B.

L’Union européenne est restée de marbre, respectueuse d’un pays du G7, mais consciente que l’avenir de l’Union se jouait aussi dans des excès de générosité envers Londres.

Une entente en demi-teinte

Les Britanniques ont prétendu pouvoir se rabattre sur d’autres marchés et compter sur des alternatives pendant toute la durée des négociations. Le premier ministre Johnson, faisant référence à une notion nostalgique de rapports étroits avec Washington, arguait pouvoir se passer de l’Europe et signer une entente de libre-échange éclair avec les États-Unis.

L’espoir d’un tel accord s’est évaporé avec la défaite de Donald Trump, sur lequel Boris Johnson avait beaucoup misé.

Le Royaume-Uni se retrouve aujourd’hui avec une entente en demi-teinte dont plusieurs des éléments essentiels (dont les services financiers) restent à préciser. Les Britanniques comprennent encore mal ce qu’a négocié leur gouvernement.

Certains avanceront que les Britanniques finiront avec le temps par signer des ententes bilatérales avec plusieurs pays. Peut-être, mais en attendant, les exportateurs britanniques sont coincés et doivent se rabattre sur la réglementation de l’Organisation mondiale du commerce.

Souveraineté et économie

Le mouvement souverainiste québécois a toujours prétendu qu’un Québec indépendant ne subirait pas de contrecoups importants à son économie.

L’expérience britannique pourrait donner un avant-goût du Quexit. Nous chercherions à négocier les modalités d’une séparation avec le Canada, mais encore à convaincre les États-Unis de conclure un accord de libre-échange.

Les discussions avec le Canada se joueraient dans un environnement plutôt tendu, on en conviendra. Certains avanceront que le Québec pourrait très bien survivre sans un libre-échange avec le Canada, d'autant qu’il existe déjà plusieurs barrières commerciales entre les provinces.

Soit, mais l’accès au marché américain demeurerait névralgique. Et cet accès pour un (futur) pays qui présente peu d’intérêt économique et géopolitique pour les Américains risquerait de prendre beaucoup de temps.

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