Depuis samedi, les Québécois peuvent avoir l’impression d’avoir le même train de vie que des citoyens condamnés à des peines mineures qu’ils doivent purger à la maison. C’est ce que le système judiciaire appelle une « ordonnance d’emprisonnement avec sursis dont la condition punitive est l’assignation à domicile ».

Cela comprend des restrictions de déplacement aux seules activités jugées essentielles, comme l’épicerie et la pharmacie, et… le respect d’un couvre-feu qui interdit des déplacements en soirée.

Techniquement parlant, un juriste pourrait trouver cette analogie nettement exagérée. Les Québécois n’ont pas été condamnés par un tribunal pour un crime qui mériterait une peine à purger dans la collectivité. Mais du point de vue de la perception, de nombreux citoyens commencent à sentir qu’ils purgent une peine « pour » la collectivité.

Dans la dernière étape de cette lutte contre la propagation du virus, tout est désormais une affaire de perception. Donc, de communication.

Avec l’annonce d’un couvre-feu, même symbolique, le gouvernement joue l’une de ses plus grosses cartes pour convaincre la population de respecter encore les mesures sanitaires avant la levée progressive des mesures de confinement.

La stratégie est audacieuse, mais comporte de nombreux risques. Pour l’instant, les Québécois ont compris le message et ils ne font que peu de cas de la réponse franche du directeur national de Santé publique qui a reconnu qu’il n’y avait pas de données scientifiques pour justifier le couvre-feu. L’électrochoc a semblé fonctionner et les citoyens se sont remis en mode écoute des consignes.

En prison à la maison

On peut toutefois comprendre le sentiment de nombreux Québécois qui se sentent en prison dans leur propre maison et leur frustration d’avoir perdu le contrôle sur leur vie qui est désormais régulée par plusieurs autorités gouvernementales, pas toujours cohérentes, ni coordonnées entre elles de surcroît.

Un sentiment d’injustice a semblé avoir pris de l’ampleur au sein de la population respectueuse des consignes. Comme si, pendant les Fêtes, les sacrifices de certains auraient été annulés par d’autres.

Mais quand le bon vieux message-clé de l’infirmière dévouée qui travaille fort pour notre santé ne passe même plus dans la population, c’est qu’il est temps de changer de stratégie.

Tout juste avant les Fêtes, on a souligné avec justesse l’extraordinaire campagne publicitaire du gouvernement du Québec. On me permettra de souligner également la très solide campagne de relations publiques qui se déroule sous nos yeux sans qu’on s’en rende compte. Les points de presse du trio santé en sont la partie la plus visible.

Mais il y a plus. Depuis le mois de mars, les élus et les stratèges du gouvernement ont su adapter les messages et les stratégies de communication en fonction de l’évolution de la situation et des humeurs de la population. Pensons à l’établissement d’un code de couleurs au défi 28 jours, et au recours à des influenceurs pour porter le message auprès des jeunes.

Trouver l’équilibre entre communiquer les consignes et brimer des libertés pour protéger des personnes vulnérables est un exercice délicat. Et dans l’arsenal des moyens de communication dont disposent les gouvernements dans une démocratie, annoncer un couvre-feu était l’arme ultime pour marquer l’imaginaire.

On ne peut que souhaiter qu’il n’y ait pas des retards dans la livraison des vaccins qui entraîneraient une quatrième vague. Les tactiques de communication commencent à atteindre leurs limites. Changer les stratégies de communication pour finalement dire la même chose, c’est comme changer la couleur des murs du salon pour se donner l’impression de renouveau. Après un certain temps, on se rend compte que l’on est toujours entre les mêmes quatre murs.

Le baromètre de l’écœurantite collective sera un indicateur clé pour les prochaines semaines. On ne veut surtout pas atteindre ce point de rupture où une majorité de citoyens en viendrait à croire qu’elle a été condamnée pour des gestes posés par d’autres.

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