La paix sociale est-elle encore possible, à l’ère des débats sur Facebook, Twitter, Instagram et TikTok ?

Le défi est de taille. Parce que l’humain est un grand mystère, nous sommes tous condamnés à l’incompréhension mutuelle. En couple, en famille, en entreprise. Imaginez donc la complexité d’une société de huit millions de personnes ayant un besoin d’appartenance commune, en présence de leurs expériences uniques. Un méchant casse-tête.

Je crois néanmoins en l’expérience de la démocratie. Quels en sont les ingrédients essentiels ? J’ai eu l’occasion de réfléchir à cette question à la suite de ma lecture du texte intitulé « Non à la cyberintimidation et à la diffamation », écrit dans ces pages le 15 novembre par Jean-François Lisée, ancien chef du Parti québécois.

Un principe fondamental de démocratie, parmi d’autres, m’est apparu évident : le respect des règles.

Le texte de M. Lisée était une réplique à une lettre ouverte intitulée « Le coût de l’expression », dont je suis l’un des cosignataires. Dans cette lettre, nous prenions parole à propos de la cyberintimidation dont fut récemment victime Maïtée Labrecque-Saganash ainsi que d’autres collaborateurs et collaboratrices du projet Briser le code.

Dans sa réplique, M. Lisée s’est prononcé sur l’une des capsules vidéo faisant partie du projet Briser le code. Cette capsule vidéo offre une explication de ce que constitue le racisme systémique.

M. Lisée a écrit, au sujet de la vidéo, et faisant référence à l’annulation de la consultation publique sur le racisme systémique qu’avait prévue le gouvernement du Québec en 2017 : « [u]n visionnement attentif de la vidéo sur le racisme systémique aurait dû faire sonner une cloche. On y affirme que ceux qui se sont opposés à une consultation sur le racisme systémique sont… racistes ». Se fondant sur cette prétendue affirmation, il conclut que la vidéo constitue de la « diffamation ».

Or, ce qu’a relaté M. Lisée est faux. La vidéo n’affirme pas du tout ce que prétend M. Lisée. Voici ce que la vidéo mentionne bien exactement : « [o]n raconte que la décision d’annuler une consultation sur le racisme systémique parce que la majorité blanche trouve qu’il n’y a pas de problème ou que ce n’est pas une priorité serait en quelque sorte une manifestation du racisme systémique ».

Indépendamment de l’interprétation de l’expression « racisme systémique » telle qu’employée dans ce cas-ci, nulle part trouve-t-on l’affirmation relatée par M. Lisée. Au contraire, justement, il est mentionné, dès le début de la vidéo, que « [l]e concept de racisme systémique fait régulièrement l’objet d’incompréhension. On confondrait le mot “systémique” avec “systématique”. Et on en déduirait que ça veut dire que tous les Blancs sont systématiquement racistes partout tout le temps. C’est pas parce qu’il y a du racisme systémique au Québec que tous les Québécois sont racistes. »

Les journalistes d’opinion tels que M. Lisée sont tenus à des obligations d’exactitude et de rigueur de raisonnement.

Or, le respect des règles est essentiel dans une société. Afin de coopérer, les individus qui la composent doivent pouvoir avoir la confiance que leurs vis-à-vis se conforment aux normes qui régissent leurs relations. Ceci est d’autant plus important que les citoyens et citoyennes méritent une information intègre afin de se former une opinion au sujet des enjeux d’intérêt public, et ainsi participer pleinement à la vie démocratique.

Cette responsabilité augmente, à mon avis, avec le pouvoir médiatique détenu par un individu. L’impact d’une fausse nouvelle provenant d’un chroniqueur à portée nationale n’est pas le même que si cette fausse nouvelle provient d’un journaliste à portée locale.

Or, Jean-François Lisée est ancien chef de parti politique, collaborateur à l’émission Tout un matin à Radio-Canada Première, et panéliste à l’émission Mordus de politique à ICI RDI. Également chroniqueur au journal Le Devoir, il a eu le privilège d’avoir écrit sa réplique dans La Presse. Que se passera-t-il à la vérité au Québec si même Jean-François Lisée peut s’en échapper ?

Je veux vivre dans une société où des débats sur des thèmes tels que la censure et la liberté d’expression sont menés de façon responsable par les personnes bénéficiant de la plus grande liberté d’expression.

Indépendamment de ce qui précède, je tiens à souligner que les commentaires qui précèdent portent sur ce qu’a écrit M. Lisée dans sa réplique, et ne portent pas sur ses intentions, lesquelles me sont inconnues.

À ce titre, est-il possible que lorsqu’il regarde la vidéo du projet Briser le code sur le « racisme systémique », ou lorsqu’il entend cette expression, M. Lisée croie sincèrement qu’on l’accuse d’« être raciste » ? Je l’ignore, et suis ouvert à en parler avec lui de vive voix afin de démystifier la question.

Lisez « Cyberintimidation : le coût de l’expression »

Lisez « Non à la cyberintimidation et à la diffamation »

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