En réponse au texte signé par des artisans du projet Briser le code, « Cyberintimidation : le coût de l’expression »*, publié le 13 novembre

La lettre publiée le 13 novembre par les artisans du documentaire et des capsules vidéo Briser le code soulève plusieurs questions importantes qui méritent débat.

Réglons d’abord les plus désagréables. J’ai critiqué le fait que les capsules portant sur le racisme systémique et le privilège blanc (j’aurais pu ajouter celles sur l’appropriation culturelle et les micro-agressions) soient recommandées aux professeurs du secondaire par la section pédagogique de Télé-Québec. Le diffuseur a acquis au fil des ans une crédibilité considérable dans le domaine de l’éducation. L’imprimatur qu’il donne ainsi à ces vidéos militantes et à leur utilisation en classe est pour le moins troublant.

Les auteurs de la lettre affirment qu’il n’appartient pas au parti au pouvoir de décider des contenus pédagogiques. Exact. Mais cela n’appartient pas non plus aux groupes militants. La question reste posée : qui, à Télé-Québec, a validé le choix pédagogique de présenter comme vérités aux élèves des concepts qui font débat, sans contrepartie ?

Un visionnement attentif de la vidéo sur le racisme systémique aurait dû faire sonner une cloche. On y affirme que ceux qui se sont opposés à une consultation sur le racisme systémique sont… racistes.

Chef du Parti québécois à l’époque, j’étais parmi les opposants à cette consultation et proposais à la place avec insistance l’application immédiate de 20 mesures antiracistes.

Les auteurs des vidéos, qui appellent dans leur lettre à « une plus grande cohésion sociale », ont-ils estimé que cette diffamation des participants à un débat légitime est une bonne façon d’y arriver ? Surtout, comment les responsables de Télé-Québec ont-ils jugé qu’il y avait là un exemple de débat respectueux à donner à nos ados. Vous n’êtes pas d’accord avec l’autre ? Traitez-le de raciste !

Notez, avoir su que Télé-Québec acceptait de relayer pour les écoles des contenus militants, j’aurais produit des vidéos éducatives faisant la promotion de l’indépendance du Québec, dénonçant le privilège anglophone, les micro-agressions subies par les clients francophones sur la Catherine Ouest et l’immense appropriation culturelle qu’a constitué le rapt, par le Canada, de notre hymne nationaliste Ô Canada et de la feuille d’érable. Mais je m’égare.

Les auteurs souhaitent me rendre personnellement responsable de la cyberintimidation dont fut victime Maïtée Saganash sur les réseaux sociaux depuis que j’ai attiré l’attention sur une vidéo dont elle est la principale protagoniste. J’aurais le tort d’avoir illustré mon tweet d’une capture d’écran où on la voit avec le titre de la capsule. J’ai aussi fait un renvoi vers la vidéo et noté que « si on extrait le prêche pour le dogme du #racismesystémique, la vidéo, écrite par @judithlussier, présente un excellent portrait de la discrimination raciale au Québec et de la nécessité de la combattre ». Mme Lussier m’a d’ailleurs remercié sur Facebook pour la publicité que j’ai ainsi procurée à la vidéo, lui permettant une plus grande diffusion. Je lui ai répondu que tout le plaisir était pour moi.

Une plaie de notre époque

La violence qui a cours sur les réseaux sociaux est une des plaies de notre époque. Tous ceux qui participent au débat public en font les frais quotidiennement. Les signataires ont choisi d’omettre dans leur missive le fait que, dès que j’en ai été informé, j’ai immédiatement dénoncé ces attaques sur les réseaux, dans ces termes : « On m’informe que des trolls haineux s’en prennent à @MaiteeSaganash, que j’ai en haute estime. C’est complètement inacceptable. Je ne les vois pas sur mon fil, même s’ils me taguent, car je bloque les personnes haineuses et vulgaires. Je vous invite tous à faire de même. »

Les auteurs écrivent que « les personnalités publiques et médiatiques doivent savoir que leurs propos peuvent susciter de violentes réactions, particulièrement envers les personnes issues de groupes marginalisés ». Ils ajoutent : « Les attaques dirigées à l’endroit de Mme Labrecque-Saganash sont un exemple de ce phénomène auquel participe la classe politique même sans en avoir l’intention explicite. »

Je comprends de ces remarques qu’au sein du débat public, il devrait y avoir plusieurs catégories d’acteurs. Les porte-parole issus des groupes marginalisés devraient ainsi être préventivement protégés des trolls. Donc, ces porte-parole peuvent choisir d’apparaître dans des vidéos et des documentaires, dans des assemblées et dans des débats publics, mais leur image ne devrait pas être insérée dans un texte critique. Je suppose qu’on pourrait l’utiliser par contre dans un texte élogieux. Merci de m’envoyer le mode d’emploi.

En tant qu’homme blanc hétérosexuel nationaliste et ancien chef de parti, je suis la cible quotidienne d’accusations de toutes sortes, y compris ces derniers jours de la mouvance militante que représentent les auteurs de la lettre.

On me traite de suprémaciste blanc et on me dit de me fermer la gueule. Avec mes amis souverainistes, j’ai été qualifié de nazi, bien sûr, mais aussi de zombie et de vampire, et ce, dans les pages du Globe and Mail. J’étais, au Métropolis le 4 septembre 2012, parmi ceux que Richard Henry Blain souhaitait assassiner.

Qu’en conclure ? Que tous les participants au débat public, surtout ceux qui souhaitent opérer un changement social qui dérange – l’antiracisme, le féminisme, les droits trans et LGTBQ+, la lutte pour le respect du français et, oui, l’indépendance du Québec – seront ciblés par les excités, les haineux, les intolérants. C’est pire pour ceux et celles qui cumulent les combats. Maïté est à la fois femme, autochtone et indépendantiste. Si elle choisit de prêter son intelligence, son image et sa voix à une cause controversée, et je salue son courage de le faire, j’estime qu’il ne faut pas la diminuer en plaidant pour qu’elle soit soustraite au débat. Il faut au contraire la défendre trois fois plus fort.

> Lisez « Cyberintimidation : le coût de l’expression »

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