La pandémie de COVID-19 a été difficile pour le personnel du réseau de la santé.

En date du 18 août, le ministère de la Santé estimait à 14 659 le nombre d’employés qui avaient été infectés par le virus au Québec. Et dans le Grand Montréal, sur 8800 employés infectés, on dénombrait 2150 infirmières, 1240 infirmières auxiliaires et 3340 préposés aux bénéficiaires.

L’hécatombe a été brutale durant la première vague en partie parce qu’il y a eu une insuffisance d’équipement de protection individuelle, un manque de mesures pour prévenir les infections, du mouvement de personnel entre établissements et une pénurie de main-d’œuvre.

Or, les infirmières sont la première ligne de surveillance et de réponse lors des hospitalisations. Lorsque l’état de santé d’un patient change et se dégrade, on ne peut se priver de leurs services, d’où l’importance d’un ratio patients/infirmière adéquat pour suivre le patient, diminuer les risques de complications et la mortalité.

D’ailleurs, c’est une vérité de La Palice de dire que les établissements de santé qui peinent à recruter et retenir leurs employés ont plus de difficulté à maintenir une offre de soins adéquate.

Lorsque le ratio patients/infirmière est déficient, les études montrent à coup sûr de moins bons résultats cliniques, plus de complications et un excès de mortalité.

Presser le citron

La décision du gouvernement du Québec du 21 mars dernier de suspendre une partie des conventions collectives des travailleurs de la santé pour répondre à la crise sanitaire a été reçue comme un coup de masse par des employés déjà hautement réquisitionnés et exténués.

Au plus fort de la crise, en plus du nombre de travailleurs absents, plusieurs établissements de santé ont eu de la difficulté à retenir le personnel, créant des ruptures de services. Une pénurie de main-d’œuvre qu’on associe à la désorganisation du milieu de travail. Entre mars et juillet, les CIUSSS évaluent que plus de 1100 infirmières et infirmières auxiliaires et 510 préposés aux bénéficiaires ont laissé leur emploi dans la grande région de Montréal.

Pourtant, le président de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec affirmait que le Québec n’avait jamais compté autant d’infirmières que cette année. 1600 infirmières se sont ajoutées, faisant monter à 78 204 le nombre de personnes inscrites au tableau de l’Ordre.

Plusieurs éléments peuvent décourager les jeunes infirmières à poursuivre leur carrière.

Qu’on pense à certains horaires non avantageux pour concilier le travail et la famille, aux conditions salariales, au controversé critère d’ancienneté qui, trop souvent, supplante l’évaluation du rendement et à l’attrait des agences de placement qui recrutent de plus en plus d’employés non satisfaits.

Toutefois, comme le rapportait Agnès Gruda dans La Presse du 18 septembre, l’obstacle principal au recrutement et à la rétention est le temps supplémentaire obligatoire devenu systémique dans le réseau. Des infirmières à temps partiel refusent de postuler pour des postes à temps complet parce qu’avec ces postes, leurs horaires sont surchargés et il y a impossibilité de concilier travail et famille.

Selon Statistique Canada, c’est au Québec que les infirmières sont le plus touchées par les heures supplémentaires. Le nombre d’heures supplémentaires hebdomadaires est passé de 6,2 en mai 2019 à 16,9 en mai 2020, en pleine crise de COVID-19.

Des hôpitaux « aimants »

Pour retenir les infirmières, plusieurs hôpitaux ont recours à des programmes qui mettent en valeur le rôle des infirmières au sein des organisations de santé. Une de ces structures est le programme Magnet du Centre d’accréditation des infirmières américaines.

Magnet n’est pas le seul programme qui peut aider au recrutement et à la rétention du personnel, mais c’est un exemple d’initiative intéressante.

Le programme existe depuis près de 25 ans et a été déployé dans plusieurs hôpitaux dans le monde. Aux États-Unis, on estime à 7 % le nombre d’hôpitaux qui ont le statut Magnet. Au Canada, le premier hôpital à atteindre ce statut est l’hôpital du Mont Sinaï, à Toronto, en 2015 et, au Québec, des hôpitaux ont adopté certaines pratiques du programme Magnet.

Le programme consiste à mettre en place un cadre de travail en 16 critères dont l’objectif est de soutenir un leadership infirmier. Pour ce faire, on demande entre autres aux directions des hôpitaux d’instaurer des conditions qui vont permettre d’améliorer les relations interprofessionnelles, de développer un plus grand engagement des employés au sein des organisations et de créer un milieu de travail où les gens se sentent bien et sont satisfaits.

Dans un texte de Health Affairs, les auteurs soulignent que les hôpitaux avec l’accréditation Magnet observent une meilleure qualité de soins, de meilleurs résultats cliniques et une meilleure expérience patient que ceux qui ne le sont pas.

Défis de gestion

Les directions des établissements de santé ont à jongler avec des contraintes budgétaires et des coûts pour de nouveaux traitements toujours en croissance. Et pour équilibrer les budgets, la gestion va parfois devoir couper dans les services administratifs, les ressources humaines, le personnel soignant et l’entretien. L’organisation du travail devient alors difficile avec la perte d’expertise, la pénurie de personnel et la difficulté de retenir les employés restants.

Or, pour retenir les employés, il importe de changer les façons de faire. Il faut mettre l’accent sur la gestion des effectifs afin de garder les équipes stables. Les unités de commandement plus près du terrain et les employés qui travaillent sur la ligne de front ont besoin d’être soutenus. De plus, des forces de réserve mobiles peuvent être utiles lorsque déployées rapidement aux endroits où il y a manque d’employés ou des équipes décimées.

Rahm Emmanuel, chef de cabinet du président Obama, disait qu’« il ne faut jamais laisser une crise être gaspillée ». La pandémie a fait ressortir à grands traits des problématiques organisationnelles connues depuis longtemps. La première étape est de reconnaître qu’il y a une crise accentuée par la pandémie et, dans un deuxième temps, ne pas gaspiller l’occasion de trouver des solutions et de régler l’impasse.

Lisez « Une vague de départs qui fait peur »

Lisez « Infirmières : les voyants rouges »

Consultez le site de Statistique Canada sur les heures supplémentaires du personnel infirmier

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