Le principal défi du président désigné ne porte pas sur la direction à prendre : elle est connue. L’enjeu porte davantage sur le rythme de la transition énergétique en faveur de la décarbonisation.

C’est écrit en toutes lettres dans son programme électoral : Joe Biden dit qu’il n’y a pas défi planétaire plus urgent pour les États-Unis que les changements climatiques.

C’est donc beaucoup par cet enjeu que la présidence Biden sera jugée par les historiens. Mais le principal défi ne porte pas sur la direction à prendre : elle est connue. Plusieurs organisations d’envergure, des États, des entreprises, y compris des pétrolières, des municipalités ont pris cette année des engagements à long terme pour la carboneutralité.

Sans compter les fonds d’investissement, qui demandent de plus en plus aux entreprises la couleur de leurs plans en faveur du climat avant de placer leurs milliards.

Pour M. Biden, l’enjeu porte davantage sur le rythme de la transition énergétique en faveur de la décarbonisation.

Il y a dans le camp démocrate des militants pressés qui rappellent tout le temps perdu sous l’administration Trump, dont l’avenir du climat était la dernière des priorités.

M. Biden a devant lui cette formidable coalition de laboratoires de recherche, d’universitaires, d’industriels, d’ONG, de médias spécialisés qui poussent fort en faveur d’une transition tous azimuts, d’une accélération des efforts de décarbonisation de l’économie.

Cela pour maintenir l’espoir de respecter les objectifs de l’accord de Paris de 2015, une limitation de la température à 1,5 degré Celcius.

Dans le domaine de l’énergie, cette coalition est mobilisée non plus seulement pour écarter le charbon et le pétrole du mix énergétique, mais aussi le gaz produit à partir de la technologie de fracturation hydraulique.

Pourtant le gaz, en remplaçant le charbon plus polluant, a fortement contribué à décarboniser le réseau américain de production d’électricité depuis 2006, et permis aux États-Unis de limiter leur dépendance aux hydrocarbures du Moyen-Orient.

Mais le gaz émet du méthane, un produit plus nocif que le dioxyde de carbone. Cette coalition des « plus pressés » souhaite donc limiter l’expansion, voire interdire la fracturation hydraulique.

Et il y a les plus pragmatiques qui se donnent aussi l’objectif de la fin des émissions de gaz à effet de serre d’ici 30 ans, mais à un rythme plus modéré, tenant compte davantage de l’évolution des technologies.

Ce sera un défi pour la Maison-Blanche de M. Biden de concilier ces deux courants. D’autant que sa victoire est moins éclatante que celle anticipée par les sondages. La division du vote fait en sorte que l’adoption d’une taxe carbone, par exemple, apparaît improbable.

Une économie appelée à se transformer

Cela dit, l’approche Biden annonce une nouvelle ère de l’économie américaine grâce à une « révolution énergétique propre », selon son programme électoral.

Sur le plan international, les États-Unis vont revenir à l’accord de Paris, geste essentiel tellement cette entente est devenue emblématique de la lutte contre les changements climatiques.

Aux États-Unis maintenant, l’équipe Biden prévoit des investissements grandioses de 2000 milliards de durant le premier mandat, soit 500 milliards par an, un budget avoisinant celui de l’armée américaine.

Ces investissements visent des émissions nulles pour le réseau électrique américain dès 2035 : un engagement significatif, car les énergies fossiles (charbon, gaz) contribuent présentement à plus de 60 % de la production d’électricité sur le plan national.

Le plan Biden comprend également l’adoption de standards zéro émission pour les nouveaux édifices, des incitatifs fiscaux pour favoriser l’efficacité énergétique et l’achat de véhicules électriques.

M. Biden devra manœuvrer adroitement. Il a promis de gouverner pour tous les Américains et il y aura bien sûr de l’opposition à son plan.

Le principal enjeu tient aux coûts humains, économiques et sociaux de cette transition des hydrocarbures aux énergies renouvelables, permettant le maintien d’emplois de qualité (« good paying jobs », martèle M. Biden) au profit des travailleurs touchés.

Si le plan Biden se déploie comme prévu, le paysage économique américain sera transformé.

Pour nous les Québécois qui voyageront après la pandémie chez notre voisin du Sud, il faudra s’attendre à voir plus de véhicules électriques sur les routes, des parcs solaires dans les banlieues, des éoliennes visibles au loin sur les côtes, des panneaux solaires sur le toit des maisons et des immeubles ultra-efficaces en matière de consommation énergétique.

Donc, un usage accru de l’électricité. C’est une bonne nouvelle pour le Québec : cela ne peut que favoriser en effet nos efforts pour vendre au nord-est des États-Unis notre électricité fiable, renouvelable et à bas prix.

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