Cette lettre s’adresse à tous les activistes qui ont considéré opportun de faire subir l’opprobre publique à Verushka Lieutenant-Duval pour servir leur cause militante.

Vous faites fausse route et ne servez pas les idéaux que vous prétendez défendre.

Lorsque l’on a le privilège de poursuivre des études supérieures, c’est une réelle expérience de vie qui nous attend. L’un des avantages est celui de pouvoir développer des relations intellectuelles dynamiques avec des professeurs, qui ont choisi comme vocation la transmission du savoir et le développement de l’esprit critique des générations qui les succèdent.

J’ose croire que ces personnes ont à cœur les sensibilités de leurs étudiants et font de leur mieux pour accroître les potentialités de leur avenir. Il s’agit d’une profession louable qui mérite, à mon sens, beaucoup de respect.

Lorsque je m’interroge sur les cas de Catherine Russell et Verushka Lieutenant-Duval, je tente de trouver quels éléments auraient pu légitimer des vindictes aussi véhémentes. Nous avons ici deux professeures utilisant le n-word pour transmettre un savoir. Elles donnent un cours pour outiller nos esprits, dans une démarche de dialogue et de collaboration. Bref, elles font leur boulot de profs. En tant que jeune étudiant noir métissé aux cheveux crépus (je hais ce type de formulation), je sais faire la différence. Pourquoi pas vous ?

Dialoguer pour exister

Ce qui me frappe le plus dans ces condamnations expéditives sur les réseaux sociaux, c’est d’une part le manque flagrant de volonté des étudiants d’amorcer un dialogue avec leur professeure, et d’autre part, le manque de respect envers nos institutions universitaires.

Entre parenthèse, il va de soi que je comprends la rhétorique selon laquelle le dialogue et la justification de ces traumatismes peuvent être sur le long terme un processus éreintant lorsque l’on provient d’une communauté marginalisée.

Or nous sommes loin de ce cas d’espèce.

Les professeurs ont des oreilles et font preuve d’écoute, nos professeurs sont littéralement là pour nous. Je vous pose la question ; que nous reste-t-il sans dialogue ? Quelle compréhension commune peut-on espérer faire émerger si l’on se réfugie systématiquement dans le caniveau de ses propres perceptions ?

Il faut un certain culot et peu d’humilité pour condamner sans appel sur les réseaux sociaux Mme Lieutenant-Duval, surtout lorsque l’on prend conscience de la nature du quiproquo. En dénonçant de cette façon, on sait très bien que la complexité du sujet sera réduite à sa plus simple expression, que l’intégrité intellectuelle de la professeure sera bafouée et que la complétude de son être sera altérée. Elle ne sera perçue que de façon unidimensionnelle, c’est-à-dire, « une prof raciste de l’Université d’Ottawa ». C’est bas. Très bas.

La guerre des sensibilités

Dans les débats entourant les thèmes de la diversité et de l’inclusion, il est souvent reproché aux communautés « dominantes » de faire preuve de peu d’empathie et de peu d’écoute. Il n’arrive que trop souvent de se faire invalider ses ressentis et ses sensibilités. Cela dit, il devient très difficile de se positionner dans un contexte universitaire si les sensibilités de chacun, toutes tributaires de consciences individuelles, s’arrogent entre elles le monopole du bien commun et des postulats moraux.

Je suis certain que l’ouverture et le dialogue, deux aspects fondamentaux du progrès collectif, sont des éléments valorisés par Mme Lieutenant-Duval. Vous n’auriez pas dû agir comme vous l’avez fait.

Vous avez eu tort.

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