La conversation au sein de la grande famille forestière est animée cet automne par la « réforme du régime forestier » promise par le gouvernement du Québec.

Depuis, on parle de prix de la fibre, de BMMB, de prévisibilité, de tables GIR, de RADF, etc. Bref, on parle « entre nous » de nos préoccupations industrielles. Depuis, on a perdu de vue l’objectif : faire en sorte qu’on investisse plus, tel que le formulait le premier ministre François Legault le 25 septembre 2018 alors qu’il était justement dans notre usine de Chibougamau.

Faire en sorte qu’on en fasse plus, donc, dans l’intérêt de tout le Québec, d’autant que la forêt où l’on récolte les arbres appartient à tout le Québec. Concédons qu’il peut être normal qu’on se perde quand l’objectif ou le besoin auquel on doit répondre s’embrouille dans une certaine cacophonie.

Avant de débattre de n’importe quel acronyme ou de telle technicalité, qu’elle soit forestière ou administrative en lien avec ce régime forestier, parlons donc de la forêt elle-même. Si c’était justement la forêt qu’il fallait réformer pour matérialiser la volonté du premier ministre, plus que le « régime » ? Si on réformait d’abord sa vocation et le regard qu’on porte sur celle-ci ?

C’est assez élémentaire qu’une industrie ait besoin de plus de matière première pour qu’elle en fasse plus, qu’elle investisse plus et qu’elle contribue plus. Or, réformer la forêt pour y couper plus d’arbres répondrait justement à des besoins qui transcendent nos seules prérogatives « business », dont la légitimité ne fait naturellement pas le poids, avouons-le.

Le Québec et la planète ont indéniablement besoin de plus de dynamisme et de productivité en forêt pour séquestrer plus de carbone. Le Québec et la planète ont besoin de plus de produits et de matériaux issus des arbres pour en remplacer de plus émetteurs et non renouvelables en acier, en béton ou en plastique à usage unique, faits de pétrole. Les humains ont besoin de plus d’arbres pour bâtir leurs maisons. Les humains ont besoin de plus d’arbres pour leur papier de toilette. La liste des besoins stratégiques auxquels les arbres du Québec ont le potentiel d’apporter la meilleure réponse est en fait interminable et en croissance.

Et le Québec a besoin de plus d’emplois parmi les mieux rémunérés, de plus de contribution à son PIB, de plus d’impôts perçus et de plus d’exportations, en plus d’agir activement pour aider le reste de la planète à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Réformer la forêt pour y couper plus d’arbres accomplirait tout cela. Au profit de bien plus grand que les stricts besoins de notre industrie ou nos communautés, il va sans dire.

Il demeure néanmoins impensable d’amputer le capital forestier du Québec. Il est impensable de couper les arbres n’importe comment. Il est impensable de couper n’importe où. Il est impensable d’ignorer la biodiversité. Impensable aussi de ne pas écouter ni impliquer les communautés.

On sait comment tout faire cela. On le fait déjà, loin des projecteurs, avec les vraies personnes qui nous entourent, les vrais écosystèmes, les réels repères scientifiques consensuels et, surtout, les vrais arbres. On le fait en plus avec humilité et rigueur. C’est mesuré, audité, encadré et même surveillé avec des centaines d’indicateurs captés par des instances internationales. Oui, on coupe des arbres intelligemment au Québec. Et oui, il faudrait en couper plus.

L’heure n’est plus aux vieux conflits stériles industrie-écologie, prévisibles comme un combat de lutte de la WWE entre les bons et les méchants, que le gouvernement doit se résoudre à arbitrer. Nous faisons partie de la meilleure solution possible pour répondre aux besoins et aux aspirations les plus dignes.

Tout comme la Baie-James répondait aux plus grandes ambitions du Québec il y a 50 ans et que l’hydroélectricité est « l’or blanc » qui propulse le Québec depuis, la forêt a le potentiel d’être « l’or vert » du Québec pour les 50 années à venir.

Tout comme on a investi des milliards pour se doter d’« actifs énergétiques » renouvelables et que nous en bénéficions tous, il faut ranimer notre audace de bâtisseurs pour augmenter les « actifs forestiers » tout aussi renouvelables et catalyseurs d’épanouissement collectif.

Il nous est arrivé au Québec de déployer des stratégies de développement économique attrayantes, mais pour lesquelles les marchés s’avéraient incertains ou pour lesquels nous n’avions pas ce qu’on appelle les « avantages concurrentiels durables » pour réussir.

On a tout, ici, avec la forêt et ses arbres. L’Europe, qui se consacre à lutter contre les changements climatiques, envie nos arbres et leur potentiel, un potentiel qui ne nous anime hélas pas encore. Nous sommes collectivement assis sur une mine d’or vert. Vivement une vraie réforme de la forêt ! Ce sera la réponse la plus respectueuse au projet auquel le premier ministre Legault nous a conviés.

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