Alors que le Canada entre dans la deuxième vague de la pandémie de COVID-19, plusieurs se questionnent sur la façon de maintenir l’économie à flot et sur les moyens de créer des emplois et de générer des investissements. Non seulement pour conserver des emplois à court terme, mais également pour aider à renforcer le pays et à améliorer notre qualité de vie à long terme.

Investir dans les infrastructures essentielles est considéré comme le moyen le plus sûr de stimuler l’économie durant les périodes d’incertitude, et plusieurs annonces récentes de la part des provinces ainsi que de la Banque de l’infrastructure du Canada vont dans ce sens. Cette dernière planifie d’injecter 10 milliards dans les transports en commun, les énergies propres et les infrastructures agricoles pour créer 60 000 emplois de même que combattre les changements climatiques.

À titre de président et chef de la direction de SNC-Lavalin – une entreprise détenant plus d’un siècle d’expertise dans la réalisation de projets d’infrastructure dans le monde, allant de plans d’urbanisme au développement d’autoroutes intelligentes et de mégaprojets énergétiques jusqu’à la construction de réseaux de train léger, tels que le métro de Dubaï, le Skyline à Vancouver et le pont Samuel-De Champlain à Montréal, notre ville d’origine –, je peux attester de l’impact que produisent les infrastructures contemporaines sur la productivité économique, l’emploi à l’échelle locale et la qualité de vie.

Je peux également affirmer que si la société souhaite bénéficier pleinement de ces investissements, il est crucial que nous tenions compte de tous les facteurs qui définissent ce qu’est un investissement réussi. Si je me fie à mon expérience et à ce qu’on entend sur ce qui importe aux Canadiens, on peut cerner quatre paramètres permettant de mesurer le succès : le rapport coût-efficacité, la rapidité de mise en service, la durabilité environnementale et sociale, et l’impact général.

C’est un défi de taille qui, bien souvent, n’a pas été relevé adéquatement. À cet égard, la crise financière de 2008 est un exemple probant. Un grand nombre d’investissements en infrastructures étaient toujours en attente d’approbation lorsque la crise s’est achevée, perdant du coup une belle occasion de revitaliser l’économie lorsqu’elle en avait le plus besoin.

Ce genre de situation est en partie dû à la complexité intrinsèque des grands projets d’infrastructure. Cela dit, une autre explication est la manière extrêmement fragmentée, presque à la pièce, dont ces projets sont conçus, planifiés, approuvés et finalement construits.

Cette fois, nous ne pouvons ni ne devrions rater cette occasion

Nous avons ce qu’il faut pour relever le défi et atteindre nos objectifs par rapport à nos quatre paramètres de réussite. Tout comme la pandémie a rendu encore plus pressant le besoin d’accélérer l’adoption des nouvelles technologies, nous percevons la même occasion de tirer parti de ces technologies et des données. Cela nous permettra de transformer nos façons de concevoir, de soumettre, d’exécuter et d’exploiter les projets d’infrastructure.

Les techniques de modélisation virtuelle – également nommée « jumeaux numériques » – et de construction modulaire sont deux exemples parmi d’autres.

Celle des jumeaux numériques, qui consiste à dupliquer sous forme virtuelle une structure physique, permet aux ingénieurs de tester à répétition la conception, la réalisation et l’exploitation de grands projets, et cela à distance et de n’importe où sur la planète.

Ce sont là des occasions significatives d’accroître les rendements, de réduire les coûts et de favoriser une exploitation durable d’un actif tout au long de son cycle de vie.

Les techniques de construction modulaire offrent elles aussi la possibilité de réduire grandement le gaspillage sur les chantiers et d’accélérer la cadence de réalisation. Des composantes majeures sont fabriquées dans des centres de production, puis sont ensuite assemblées sur le terrain comme des Legos. Nous avons fait appel à cette méthode pour la réalisation du pont Samuel-De Champlain pour laquelle des installations partout au Québec ont préfabriqué des composants, ce qui nous a permis d’achever le mandat en quatre ans plutôt que les sept années prévues.

Les industries de l’ingénierie et de la construction n’en sont qu’aux premières phases de cette adoption de nouvelles technologies, mais leur impact potentiel sur les coûts, la rapidité d’exécution et la durabilité est absolument indéniable. Nous constatons que la pandémie a stimulé la demande pour des infrastructures vertes et durables et il est essentiel de comprendre que ce n’est pas seulement ce que nous construisons, mais aussi comment nous le faisons qui détermine l’écoresponsabilité d’un projet.

Cela dit, la clé pour accéder à ce potentiel viendra de notre capacité à trouver de nouvelles formes de collaboration entre le secteur privé et les gouvernements.

Le modèle actuel ne permet pas d’exploiter le pouvoir du numérique, des données et des nouvelles technologies alors que cela ferait en sorte de choisir une approche plus holistique et basée sur les résultats pour construire nos infrastructures.

La plupart du temps, plutôt que de récompenser l’amélioration de la productivité et l’utilisation plus économe de l’énergie, les mandats sont calculés en se basant sur la méthodologie conventionnelle qui comprend les heures-personnes et le coût des matières premières. Malheureusement, la conséquence involontaire de cette approche est de freiner l’adoption des technologies et elle vient miner nos objectifs de durabilité en réduisant les projets à leur plus simple expression.

La bonne nouvelle, c’est qu’il y a une façon d’améliorer les choses. Les gouvernements repensent aujourd’hui leurs approches de partenariat, et compte tenu de tous les défis auxquels notre société fait face, il est évident que le moment est bien choisi pour concevoir et construire des infrastructures durables, rentables, en temps opportun et qui ont un grand impact.

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