Aller au théâtre est l’une des rares expériences collectives qui nous soient encore proposées. On sort de chez soi. On se rassemble pour se raconter une histoire. Le temps de la représentation, public et interprètes vibrent ensemble. Ce n’est pas rien. Être vivants, ensemble.

Une création théâtrale ne se réduit pas à un simple processus de production et de reproduction ; elle s’envisage comme un tout. Sans la respiration de la salle, sans le souffle des interprètes sur la scène, sans le collectif, le théâtre ne prend pas vie.

Au printemps dernier, à peine réalisions-nous collectivement l’ampleur des bouleversements qui allaient mettre tout le Québec en confinement que l’on invitait déjà (!) et avec optimisme (!) les artistes à se réinventer, à innover, à aller de l’avant !

L’avenir des arts vivants se trouverait dans l’expérience du virtuel ! Des sommes considérables ont été investies dans cette conversion aux plateformes numériques. Rien ou très peu n’a été prévu pour le réel. Le réel, c’est l’humain.

Le réel de la pandémie dans le milieu des arts vivants, ce sont des artistes, des conceptrices, des artisans, des techniciennes, des régisseurs qui sont laissés pour compte. Sans aucune perspective.

Le réel, c’est la perte dans l’indifférence de milliers de contrats et la disparition de nombreux emplois. Mais pas que ça. C’est aussi la perte de savoirs et de compétences développés sur des décennies d’innovation théâtrale. Le réel, c’est la disparition définitive d’un patrimoine invisible et fabuleux.

Dans le gros de la tempête de notre légitime indignation, des solidarités se sont soudées. Des camarades se sont tenus debout. Des alliés nous ont rejoints. Plus de 32 000 personnes, des spectateurs et des spectatrices ont, en moins de quatre jours, soutenu notre manifeste Pour les arts vivants, écrit par le poète Olivier Kemeid, accompagné dans cette rédaction par un petit groupe d’insoumis dont j’étais. Dont je suis. J’aime cette indignation qui mène à l’engagement. L’engagement qui peut produire des résultats, qui peut éventuellement produire de l’espérance.

Dans le quotidien de toutes les actions à faire pour rouvrir le théâtre aux artistes, au public, j’ai des flashes de nos mobilisations, de ces discussions animées et exceptionnelles de nos vies. On se promet de tenir parole, d’incarner nos idéaux, d’aller toujours de ce côté et pas d’un autre. Parce que le pacte avec le public ne peut pas être en deçà.

Les artistes sont de retour au théâtre depuis le début du mois d’août et occupent à nouveau tous nos espaces de production. Quel plaisir ! Dans un environnement que nous avons rendu sécuritaire et conforme aux règles sanitaires en vigueur. Quel branle-bas !

Avec les moyens dont nous disposons et même ceux dont nous ne disposons pas encore, nous allons de l’avant et nous nous engageons dans le vibrant, le désir, la beauté, dans la pertinence des projets portés par des créatrices et des chercheuses aux regards lumineux et par des équipes extraordinaires.

Dans cette période où la pandémie n’a fait qu’accentuer les inégalités et les iniquités sociales, où l’on constate des reculs disproportionnés par rapport aux avancées des femmes au cours des dernières années, nous allons de l’avant avec les artistes de l’ensemble de la programmation de cette saison et nous nous engageons à honorer l’entièreté de leurs cachets. Quoi qu’il arrive. Nous nous disons qu’il y a des risques que les artistes d’un spectacle n’ont pas à partager avec les directions et les conseils d’administration des théâtres.

Pour cette rentrée culturelle, je nous souhaite à toutes et à tous de vraies belles aventures artistiques et sur toutes les scènes des arts vivants du Québec ! Être vivants, ensemble. Ce n’est pas rien.

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