L’obésité chez l’adulte est bien une maladie, complexe et chronique ! C’est ce qu’affirment haut et fort plus d’une cinquantaine de médecins et de professionnels spécialisés dans le traitement de l’obésité au Canada*. Le but de cette ligne directrice : mieux traiter les personnes obèses en revisitant les préjugés à leur égard et en réorientant les approches des professionnels de la santé. Mais il y a plus !

L’indice de masse corporelle repensé

La ligne directrice qualifie l’indice de masse corporelle (IMC) d’outil qui manque de précision. La formule pour calculer cet indice est fort simple : le poids, exprimé en kilogrammes, divisé par le carré de la taille, exprimée en mètres. L’IMC est utilisé largement pour déceler et classer l’obésité, et cela depuis des lustres.

Comme en témoigne la petite histoire le l’IMC : l’Américain Ancel Keys, professeur de physiologie, a remis au goût du jour, en 1972 cette formule mathématique qui permet de déterminer le « statut pondéral » des individus. Il s’agit d’un indice de mesure, appelé d’abord « indice de Quételet », établi en 1832 par un savant belge, Adolphe Quételet, qui voulait décrire l’« homme moyen » de son époque en fonction de sa taille et de son poids. Keys l’a rebaptisé « indice de masse corporelle » (IMC), qui est ainsi devenu la référence en matière pour juger du surpoids et de l’obésité et estimer les risques pour la santé !

L’IMC ne prend pas en compte la masse adipeuse, ni sa répartition, la musculation et l’ossature. C’est pourtant sur la base de l’IMC qu’a été décrétée la crise mondiale de l’obésité. Cet improbable indicateur de la corpulence, qui manque de précision, dites-vous…

Les obésités

La ligne directrice énumère une multitude de facteurs tels la biologie, dont la génétique et l’épigénétique, certaines pathologies, des médicaments, l’environnement, le vécu, les traumatismes du passé, des troubles de l’humeur, l’anxiété, une piètre estime de soi, des problèmes identitaires, comme causes de l’obésité. Ou plutôt des obésités…

Car les obésités peuvent être innées (on naît avec) ou acquises au fil des évènements de notre vie. Nous sommes le produit de l’évolution de notre espèce.

Notre espèce a survécu en s’adaptant à son environnement. Nous avons ainsi développé une préférence innée pour le goût sucré, qui nous protégeait contre les plantes toxiques qui avaient généralement un goût amer. Quelques millions d’années plus tard, nous vivons dans un environnement gorgé d’aliments sucrés…

Nos ancêtres devaient faire face à des pénuries de nourriture et ont appris à faire des réserves de nourriture en vue des mauvais jours. Cette nécessité s’est inscrite dans nos gènes avec comme résultat que nous sommes extraordinairement efficaces pour faire des réserves de nourriture dans nos garde-manger, et dans nos cellules adipeuses ! Notre corps est très efficace pour faire des réserves corporelles et limiter notre dépense d’énergie. Bref nous avons des gènes économes et vivons dans un paysage alimentaire où la nourriture est omniprésente. Ce décalage entre nos instincts primitifs et notre environnement aurait-il pu engendrer la surcharge pondérale ? Et l’obésité s’accroître au même rythme que la population…

Quand le cerveau tient la fourchette !

Le cerveau, la structure vivante la plus complexe dans l’univers, est le grand gestionnaire du poids corporel. Cet organe de texture gélatineuse a une couleur gris-rose à l’extérieur et jaunâtre à l’intérieur et ressemble à une noix de Grenoble. C’est dans notre cerveau que s’élaborent nos pensées, nos émotions, nos rêves, nos souvenirs, nos comportements, notre personnalité aussi ! Notre cerveau reçoit de multiples messages qui lui permettent non seulement de savoir ce que nous mangeons et buvons, mais aussi de prendre conscience du monde, de savoir que nous nous souvenons, que nous savons, que nous existons !

Sachez aussi que notre gestionnaire corporel comptabilise ce que l’on mange et l’énergie que l’on dépense, et se « relooke » lorsqu’on prend du poids.

On l’a démontré scientifiquement : le cerveau des personnes obèses diffère de celui de personnes de poids moindre.

Le cerveau « obèse » réagit de façon exagérée aux aliments goûteux et engendre la quête de récompense et de plaisir que l’on peut assouvir par la surconsommation de nourriture. C’est ainsi que la fourchette et les circuits de récompense du cerveau des personnes obèses répondent exagérément en présence d’aliments goûteux comparativement à ceux de personnes plus minces. Le cerveau « minceur » réagit aux aliments de façon modérée.

Revenons à notre vécu et aux traumatismes du passé comme causes possibles des obésités. Cela laisse des traces indélébiles dans notre cerveau, tout comme le font les troubles de l’humeur et l’anxiété. Le cerveau devient alors « affamé » et le corps n’en fait qu’à sa tête. En revanche lorsqu’on les prive de nourriture, notre corps et notre cerveau se défendent ! À preuve, la pléthore de régimes amaigrissants qui ont vu le jour depuis près d’un siècle (!) couronnés d’un taux d’insuccès frôlant les 95 %. Sans compter la reprise du poids perdu plus quelques kilos… Notre corps raconte une histoire, cette histoire c’est la nôtre… et celle de notre cerveau qui tient la fourchette !

*Louise Thibault a publié Quand le corps n’en fait qu’à sa tête. Découvrez ce qui vous pousse à manger (Les Éditions de l’Homme, 2012)

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