La lecture des rapports annuels (en ligne) donne le tournis. Femme-orchestre, érudite et rompue à tous les aspects de sa tâche, la directrice s’est employée à la transformation et à la croissance du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM). Sous sa gouverne, avec ses équipes bien aimées, ses collaborations internes et externes, il a connu un développement exceptionnel. Multiplication des expositions, publications scientifiques, acquisitions dans tous les champs, nouveaux pavillons, réinstallation des collections des arts canadiens dans le pavillon Bourgie, aux arts décoratifs du pavillon Stewart jusqu’à l’aile du Tout-Monde : elle en a mené large.

Le musée est devenu une « Cité muséale du Musée des beaux-arts de Montréal », agrandi de deux édifices, une salle de cinéma d’auteur et une salle de concert : grâce à la programmation d’Arte Musica, les mélomanes bénéficient d’un refuge musical intimiste et mirifique. Les ateliers éducatifs agrandis mettent en œuvre des projets innovants en éducation, inclusion, mieux-être et art-thérapie. La plateforme numérique interdisciplinaire ÉducArt est conçue pour les enseignants et les élèves du secondaire. Le Jardin des sculptures s’est enrichi de grands noms contemporains, dont le fragile Soleil de Chihuly. Chaque été, l’avenue piétonnisée reçoit une installation, étonnante et amusante, pour la plus grande joie des passants.

Le choix d’expositions, souvent pluridisciplinaires, organisées par le MBAM ou en collaboration à l’international, explorait de nombreux domaines artistiques comme la musique. Nous ne soulignerons jamais assez la splendeur et la sensibilité de leurs scénographies.

Rappelons, faute d’espace, Splendore a Venezia : art et musique de la Renaissance au Baroque dans la Sérénissime, Métamorphoses : dans le secret de l’atelier de Rodin, Une modernité des années 1920 à Montréal : le Groupe de Beaver Hall, D’Afrique aux Amériques : Picasso en face-à-face… À la fois académique et populaire, Chagall : couleur et musique a connu, comme Pompeii, un sommet de fréquentation avec plus de 300 000 visiteurs. Napoléon : la maison de l’Empereur a circulé aux États-Unis et en France. Alexander Calder reste une première australienne. Sans oublier la mode avec Thierry Mugler : Couturissime, Montréal Couture, Jean-Paul Gaultier, Denis Gagnon ou Yves Saint-Laurent. L’exposition en cours, Paris au temps du postimpressionnisme : Signac et les Indépendants, est présentée par Nathalie Bondil sur la Toile dans une vidéo, érudite mais claire, enregistrée en plein confinement.

Diversité, art autochtone, art québécois

Nombre d’expositions de photographies, dessins et estampes ont été présentées avec ses conservateurs. En solo ou en collectif, les artistes contemporains ont été accueillis avec une grande place accordée à la diversité et à l’art autochtone : Adel Abdessemed, Leila Alaoui, Omar Ba, Meryl McMaster, Kerry James Marshall, Kent Monkman, Nadia Myre, Shirin Neshat, Alanis Obomsawin… Des centaines d’œuvres d’art québécois, anciennes et contemporaines, ont été acquises. Pierre Ayot, Benoit Aquin, Dominique Blain, Pierre Dorion, Jean McEwen, Serge Murphy, Françoise Sullivan ont été exposés, ainsi que des artistes en résidence grâce aux parrainages mis en place par Nathalie Bondil avec la Fonderie Darling. La collection d’art inuit, considérablement enrichie en art contemporain, sera mise en valeur à la suite d’une entente signée en 2018 avec l’institut culturel Avataq.

Depuis 2008, le Musée a exporté ses expositions dans plus de 35 villes. Le succès de ces itinérances, élément majeur d’une stratégie d’autofinancement fructueuse, a rapporté des revenus substantiels indispensables tout en assurant un rayonnement international à leurs équipes québécoises.

Les volumineuses publications scientifiques sont le fruit d’années de recherche, précieuses pour les historiens d’art et les amateurs : leur succès démontre la pertinence constante du choix de la rigueur.

En 2016, Nathalie Bondil livre avec son équipe, notamment Hilliard T. Goldfarb et Sylvain Cordier, selon l’échéancier et le budget prévus, le majestueux pavillon pour la Paix. Cet édifice réunit la collection internationale du Moyen Âge à aujourd’hui. Elle est savamment redéployée pour inclure la donation Hornstein tant convoitée, avec une centaine de tableaux. En 2019, sa vision humaniste s’incarne dans l’aile Stéphan Crétier et Stéphanie Maillery où plus d’un millier d’œuvres, anciennes ou contemporaines, y sont agencées avec ses commissaires autour du concept novateur imaginé par Mme Bondil : les arts du Tout-Monde.

Nathalie Bondil a accompli sa mission : construire un musée humaniste et un laboratoire pour le XXIe siècle. Ses réussites tiennent autant à sa personnalité humaine et chaleureuse qu’à son audace et à son engagement portés avec les équipes. On ne s’étonnera pas du million de visiteurs annuels ni de l’adhésion de membres élevée – qui l’eût espéré ? – à plus de 122 000 abonnés… une augmentation de 480 % depuis 2010 ! « Nous sommes chanceux de pouvoir compter sur la grande expertise et le dévouement de celle grâce à qui le Musée des beaux-arts de Montréal jouit d’une réputation internationale incontestée et s’impose comme un véritable modèle d’avant-gardisme », avait conclu le président du Musée dans le rapport de 2018. Espérons qu’une entente sera vite trouvée pour saluer dignement celle qui a apporté tant de bonheur à des millions de visiteurs !

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