L’édition virtuelle de Fierté Montréal, qui débutera le 10 août, me replonge dans mes souvenirs. Elle me rappelle une fierté que j’avais aussi célébrée dans des circonstances particulières. J’avais 32 ans quand j’ai participé pour la première fois, en 1995, à un défilé de la Fierté. À cette époque, l’épidémie de sida nous arrachait des personnes magnifiques et mettait un terme à beaucoup trop de vies.

Chaque mois, je perdais quelqu’un qui m’était cher. Parmi eux, mon meilleur ami René, qui est décédé en 1995.

Cette année-là, mes amis et moi avons décidé de participer au défilé de Montréal pour transmettre un message de résilience et d’espoir. Nous avons loué un corbillard et deux de mes amies, déguisées en anges avec des ailes, étaient assises sur le capot. Un DJ faisait jouer de la musique à plein volume à l’arrière et nous avions installé sur le toit des haut-parleurs sur lesquels nous avions peint les mots « CE N’EST PAS FINI ».

Ce défilé restera à jamais un des moments les plus mémorables de ma vie. Ce premier événement m’a montré que la Fierté n’est pas seulement une fête, mais aussi un moment pour réfléchir et se recentrer. Elle nous permet aussi de souligner un moment de l’histoire, de célébrer tout le chemin que nous avons parcouru en tant que communauté, tout en reconnaissant et en comprenant collectivement que la lutte pour l’égalité est loin d’être gagnée.

L’homosexualité, un crime au Canada

J’ai grandi à une époque où l’homosexualité était encore considérée comme une maladie mentale et un crime au Canada. Ma mère n’était pas du tout à l’aise avec mon orientation sexuelle. Le mot « homophobie » n’existait pas encore.

À 19 ans, je me suis enrôlée dans les Forces armées canadiennes, parce que je voulais servir mon pays, et ce, même si la société ne reconnaissait pas tous les aspects de ma personne. Ma carrière militaire est rapidement devenue enrichissante et j’étais fière du travail que je faisais.

Jusqu’à cette journée de 1984, où l’Unité des enquêtes spéciales des Forces armées canadiennes m’a arrêtée et interrogée, et m’a forcée à reconnaître mes « perversions » – le mot qu’ils utilisaient pour parler de mon orientation sexuelle.

J’ai fini par être congédiée après avoir été étiquetée comme étant « déviante ». Cela m’a causé un important choc émotionnel, dont je subis encore les répercussions aujourd’hui. Cette discrimination m’a fait développer une anxiété continuelle qui m’a empêchée d’être qui j’étais vraiment.

Heureusement, en 1999, 15 ans après mon congédiement, les choses ont commencé à changer tranquillement pour la communauté LGBTQ2+ du Canada. À cette époque, je travaillais au Nouveau-Brunswick et j’ai participé à la mise sur pied de Fierté au travail Canada. Cette organisation, dont la TD est l’un des membres fondateurs, aide les employeurs canadiens à créer des environnements de travail qui célèbrent l’ensemble des membres du personnel, peu importe leur expression ou identité de genre, leur race ou leur orientation sexuelle. Notre vision : que tout le monde puisse atteindre son plein potentiel au travail.

La Fierté est un événement qui se déroule tout au long de l’année

Les célébrations et les défilés sont importants. La Fierté, c’est bien plus qu’un défilé. C’est une occasion de célébrer qui nous sommes, 365 jours par année, mais aussi de sensibiliser les autres, parce que la discrimination existe encore. Personnellement, je ressens le véritable sens de la Fierté chaque fois que je suis avec mes enfants ou ma partenaire, que je peux maintenant appeler légalement ma conjointe.

Cette année, malgré les circonstances inhabituelles, j’encourage tout le monde à profiter du moment et à faire en sorte que les célébrations de 2020 ne se limitent pas à un défilé. Profitez-en pour reconnaître ce que nous vivons collectivement. Écoutez les voix des personnes marginalisées et apprenez comment vous pouvez les aider.

Je pense que nous pouvons être fiers des réalisations dont j’ai parlé ici et nous réjouir de celles qui seront accomplies à l’avenir. Mais il ne faut jamais rien tenir pour acquis !

Comme je l’ai peint sur ce corbillard à Montréal il y a tant d’années : ce n’est pas fini.

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