Quelques semaines après que George Floyd eut trouvé la mort sous le genou d’un policier à Minneapolis, le 28 mai dernier, et à moins de 100 jours de l’élection présidentielle, les Américains ont pris une brève pause la semaine dernière pour honorer la mémoire du représentant du 5e district de la Géorgie (Atlanta) au Congrès, John Lewis.

Au cours des cinq journées consacrées à commémorer la vie de cette icône de la lutte pour les droits civiques aux États-Unis, on a pu constater sa grandeur et sa contribution pour l’avancement de la cause des Afro-Américains et de la justice raciale.

Trois anciens présidents — le républicain George W. Bush et les démocrates Bill Clinton et Barack Obama — lui ont rendu un hommage senti et émouvant lors de ses funérailles célébrées à Atlanta, jeudi dernier.

La conscience du Congrès américain

John Lewis fut l’un des premiers « voyageurs de la liberté » (Freedom Riders) qui a adhéré au mouvement et à la vision de non-violence de Martin Luther King pour combattre la ségrégation, le racisme systémique et la discrimination envers les Noirs à partir des années 60.

Tout au cours de son engagement politique qui s’est échelonné au-delà d’une cinquantaine d’années, Lewis fut arrêté à plus de 45 reprises par les autorités en plus d’être la cible à de multiples occasions de gestes violents de la part des forces policières et de groupes racistes. Mais cela n’a jamais ébranlé ses convictions selon lesquelles la justice et la non-violence allaient de pair pour faire avancer le rêve de Luther King.

À 23 ans, John Lewis était d’ailleurs le plus jeune intervenant à prendre la parole à la marche sur Washington organisée par Luther King en août 1963.

En 1965, il subissait une fracture du crâne lors d’un assaut de la part d’un policier durant la manifestation historique sur le pont Edmund Pettus, à Selma, en Alabama. Trois mois plus tard, le Congrès adoptait le Voting Rights Act accordant le droit de vote aux Noirs sans restriction ni discrimination.

En 1968, Lewis décidait de se joindre à la campagne à la présidence du frère du président John F. Kennedy, le sénateur Robert F. Kennedy. Encore aujourd’hui, cette célèbre famille de la scène politique américaine reconnaît que John Lewis a grandement contribué à influencer la vision du sénateur Kennedy. Il était d’ailleurs à ses côtés lors de l’assassinat de ce dernier en Californie, à peine deux mois après la mort tragique de Martin Luther King.

John Lewis s’est ensuite lui-même lancé en politique pour promouvoir la cause de la justice raciale. Il fut élu à la Chambre des représentants en 1986. Au fil des ans, il est devenu la conscience du Congrès américain. Il était reconnu pour sa force de caractère, toujours à l’écoute et respectueux de ceux qui ne partageaient pas ses points de vue.

PHOTO BRYNN ANDERSON, ASSOCIATED PRESS

John Lewis est mort le 17 juillet à l’âge de 80 ans.

Aujourd’hui, lorsqu’on pense à lui, on se rappelle ses convictions, sa détermination, son courage, son amour, sa compassion et son humilité.

Les prochaines générations

Déjà très jeune, John Lewis avait fait fi des réserves de ses parents qui voulaient l’empêcher de s’attirer des problèmes avec les autorités et de se « mettre dans le trouble » pour lutter en faveur de la justice raciale.

Mais le jeune Lewis, lui, croyait qu’il n’y avait pas de solution de rechange. Il était d’avis que ses démêlés avec les autorités et la violence qu’il subissait représentaient « un bon trouble, un trouble nécessaire ».

En guise de reconnaissance de son œuvre, deux démarches sont actuellement à l’étude aux États-Unis. La première consisterait à rebaptiser le pont Edmund Pettus (nommé en l’honneur d’un ségrégationniste et membre du Ku Klux Klan) au nom de John Lewis.

La seconde serait de lui désigner le projet de loi présentement à l’étude au Congrès qui vise à renforcer le Voting Rights Act, dont la portée fut réduite par un jugement de la Cour suprême américaine en 2013. C’est à suivre.

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Les funérailles de John Lewis ont été célébrées la semaine dernière à Atlanta.

Pour John Lewis, la meilleure façon de promouvoir la non-violence était d’accorder à chaque citoyen son droit de vote. Comme il le disait si bien, « la démocratie n’est pas un état, c’est un acte ».

Depuis le meurtre de George Floyd, le mouvement Black Lives Matter a pris de l’ampleur et John Lewis en fut l’une des inspirations. Peu importe le résultat des élections du 3 novembre, la mémoire de John Lewis et sa force de caractère continueront de marquer la vie politique américaine. En ce sens, c’est ce qui constitue son plus grand héritage pour les prochaines générations.

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