Le gouvernement Legault s’est engagé à présenter un plan de lutte contre le racisme. Ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement du Québec entreprend une telle démarche.

En décembre 2000, le Conseil des relations interculturelles du Québec entreprenait une réflexion pour situer la problématique du racisme dans la perspective historique du Québec. Phénomène universel, le racisme est toujours « in-formé » par une histoire et un environnement culturel particuliers. Cette démarche se situait dans le cadre de la tenue de la troisième Conférence mondiale contre le racisme. En novembre 2001, le ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration (MRCI)(1) concluait qu’il fallait miser sur : a) une représentation équitable des membres des minorités ethnoculturelles et visibles, dans tous les secteurs de la vie sociale ; b) une action du gouvernement et de la société civile mieux documentée, concertée et fréquemment évaluée ; c) des programmes de sensibilisation et de formation aux droits et de lutte contre le racisme dans toutes les institutions et tous les secteurs ; d) des mesures de lutte contre l’exclusion et les inégalités socioéconomiques, efficaces à long terme.

Le gouvernement du Québec déposa en juin 2006 le document Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination. La consultation qui suivit permit de recueillir 124 mémoires (et 95 courriels). Puis une tempête se leva. Le 11 octobre 2006, le ministre de l’Éducation annonçait la mise sur pied d’un comité consultatif sur la hausse sensible du nombre de demandes d’accommodement raisonnable en milieu scolaire.

Des révélations sensationnalistes contribuèrent à faire déraper le débat avant même de commencer. Des sondages imprudents aboutirent à une certaine banalisation du racisme placé en exergue de la question des accommodements raisonnables.

Le 25 janvier 2007, la municipalité d’Hérouxville devenait célèbre après l’adoption de normes de vie pour les immigrants, afin de contrer les accommodements « dits raisonnables ». Le gouvernement décida de créer, le 8 février 2007, la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles (et religieuses). Cette commission Bouchard-Taylor remit son rapport le 18 juin 2008. Le 29 octobre 2008, le gouvernement publia La diversité : une valeur ajoutée. Plan d’action gouvernemental pour favoriser la participation de tous à l’essor du Québec 2008-2013.

Pour la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)(2), cette politique « mettait surtout l’accent sur des mesures visant à favoriser l’intégration citoyenne, en particulier par l’accès à l’emploi. Ces mesures risquaient cependant de demeurer vaines en ne s’attaquant pas à la source principale de l’exclusion, le racisme et la discrimination sous toutes leurs formes. ». Pour Eid et Labelle(3), ce plan conjugue la sensibilisation au racisme, l’éducation interculturelle, l’éducation aux droits et à la citoyenneté, la reconnaissance de la diversité, etc. Ces notions risquent donc de diluer le traitement politique du racisme. De plus, « les mesures proprement antiracistes traduisent le plus souvent une conception par trop psychologisante… », au détriment de la dimension structurelle du phénomène.

En décembre 2014, le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI) présentait un document de référence pour une consultation publique en vue d’une nouvelle politique québécoise en matière d’immigration, de diversité et d’inclusion. Cette politique, Ensemble, nous sommes le Québec (2016-2021), fut rendue publique le 7 mars 2016. La politique contre le racisme devint encore une dimension d’une politique beaucoup plus large. La ministre avait cependant réclamé de nouveaux crédits (2 millions). Autres différences notables, a) elle contenait des indicateurs pour mesurer les progrès effectués ; b) elle reconnaissait la nécessité d’un partenariat avec les villes et de la situation particulière de Montréal.

Le nouveau plan annoncé devra accorder une attention particulière à la dimension systémique du racisme, reconnue par le Québec depuis le siècle dernier.

C’est elle qui a justifié la mise en place du Programme d’accès à l’égalité en emploi de la fonction publique pour les membres des communautés culturelles en 1990. La fonction première d’un PAEE est de corriger le traitement inégal qui se fonde sur « des systèmes de pratiques, de valeurs ou de règles dont l’interaction complexe a pour effet de maintenir les membres de ces groupes dans une situation d’inégalité qui n’est pas nécessairement reliée à des comportements individuels intentionnels ». L’expérience a montré que l’action sur la dimension systémique profite toujours à l’ensemble de la société.

1– Centre de recherche sur l’immigration, l’ethnicité et la citoyenneté (CRIEC, UQAM) (2001) Colloque sur les « Défis et enjeux de l’après-Durban », novembre.

2– CDPDJ (2011) : Profilage racial et discrimination systémique des jeunes racisés. Rapport de la consultation sur le profilage racial et ses conséquences. Montréal.

3– Eid, P., Labelle, M. (2013), « Vers une politique québécoise antiraciste ? » Relations, 763, pp. 18-21.

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