L’appropriation lexicale du terme « tourisme durable » par les élites néolibérales du secteur a contribué à une croissance sans limites des voyages à vocation hédoniste, pré-pandémie de COVID-19.

Le « surtourisme » a fait son entrée dans le sous-vocabulaire de la surconsommation, l’exceptionnalité du voyage à des fins de loisirs s’évaporant au même rythme que la popularisation des photos sur les réseaux sociaux à saveur #YOLO. Une étude parue en 2018 dans la revue universitaire Nature a dévoilé que le tourisme contribuait à hauteur de 8 % aux émissions de gaz à effet de serre à ce stade.

En avril dernier, moment fort de la crise, Zurab Pololikashvili, secrétaire général de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), déclarait : « Nous invitons instamment nos partenaires de la Commission européenne, de l’ensemble du système des Nations unies et des institutions de Bretton Woods à jouer la carte du tourisme comme jamais auparavant. » (mes italiques). Il y a à peine une semaine, l’Organisation a proclamé qu’une relance « de manière responsable est une priorité ». Une lecture attentive révèle que cela fait référence à la santé et à la sécurité liées à la COVID-19. Le 1er juillet, M.  Pololikashvili réitère qu’il faut agir avec responsabilité en faisant « ce qu’il y a à faire, sans brûler les étapes ». Il est particulièrement intéressant de constater que l’OMT mobilise ainsi le vocable de « responsabilité ». À l’instar du « tourisme durable », nous voyons émerger un accaparement de la notion de « tourisme responsable » d’un souci environnemental (et parfois social) vers une référence sanitaire.

Pourtant, il est urgent de remettre en question toute dépendance économique extrême liée au tourisme, créatrice de hiérarchies et d’inégalités systémiques.

L’OMT souhaite un « soutien solide » pour lesdits « petits États insulaires en développement » pour lesquels le tourisme représente de 30 à 90 % des exportations totales. N’apposons pas un diachylon ; traitons le réel problème. Il ne s’agit certes pas d’un mince défi que de concilier les acquis de la démocratisation du tourisme avec une refonte sensible à la justice sociale et environnementale. Orchestrer un respect, d’abord et avant tout, des intérêts des communautés hôtes (qui ne le sont pas toutes par choix, doit-on le rappeler) avec les prémisses du tourisme social, dont on ne peut nier la valeur, nécessitera une grande créativité.

Malgré tout, mobilisons l’occasion inattendue qu’offre cette malheureuse pandémie et profitons de l’orientation socioéconomique transnationale du néolibéralisme, malheureuse elle également en termes d’inégalités, pour utiliser notre pouvoir de consommateurs.

Par la logique de l’offre et de la demande, déterminons les nouveaux contours de ce qu’est un tourisme « responsable ». Sa construction est intersubjective : ne négligeons pas le rôle que nous pouvons jouer, croyant à tort que tout se décide unilatéralement dans les hautes sphères. Sa signification doit inclure une justice sociale et environnementale sans quoi une définition purement liée à des considérations sanitaires pourrait éclipser toute autre priorité de la relance.

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