La pandémie actuelle entraîne des changements majeurs dans la façon dont nous fonctionnons dans un certain nombre de secteurs sociaux et économiques. Le secteur communautaire à but non lucratif ne devrait pas y échapper.

Au fil des ans, faute de pouvoir compter sur un réseau philanthropique fort – comme c’est le cas ailleurs en Amérique du Nord –, le Québec a lentement mis en place un système de soutien aux organismes communautaires pour s’attaquer à une grande variété de problèmes sociaux. Mais en finançant des programmes et des initiatives temporaires plutôt qu’en investissant dans des solutions permanentes, ce soutien a fini par fragiliser notre tissu social. Il en résulte que les groupes communautaires ont développé un esprit de compétition pour obtenir des ressources limitées. Malheureusement, ces fonds ont souvent soutenu des efforts inefficaces et ce sont les personnes dans le besoin qui finissent par recevoir un service sous-optimal. Les Québécois devraient s’inquiéter lorsque des fonds publics destinés à traiter des crises comme le logement abordable, la faim, la violence contre les femmes et les services aux personnes âgées soutiennent des activités aléatoires qui ne donnent que très peu de résultats.

Aujourd’hui, le réflexe automatique du financement par le gouvernement du Québec est de soutenir une multitude d’organismes qui gèrent des programmes aux objectifs nobles. Le problème, c’est que ce ne sont pas toutes les organisations qui ont des objectifs nobles qui devraient être financés.

Au sortir de la crise, les fonds disponibles pour soutenir les organismes communautaires seront plus limités qu’avant.

Il faut donc s’assurer que les organismes seront gérés de façon professionnelle et offriront des services jugés essentiels par la société québécoise. Pour ce faire, les organismes communautaires du XXIe siècle devront fonctionner avec efficacité et répondre avec dignité aux personnes dans le besoin. Les intentions charitables ne suffisent plus.

Le financement des gouvernements ne doit pas être accordé parce qu’un organisme a des besoins, mais parce qu’il a démontré sa capacité à répondre à des besoins chez la population vulnérable.

Ils doivent fixer des priorités sociales et établir des résultats clairs et mesurables pour le secteur à but non lucratif. Quels sont les principaux objectifs sociaux que les décideurs politiques souhaitent atteindre et dans quels délais ? Par exemple, si l’objectif est de réduire le nombre de personnes en situation d’itinérance, les fonds devraient être détournés des activités qui réconfortent les personnes en situation précaire en faveur d’activités qui préviennent l’itinérance et qui fournissent un logement accompagné. Si l’objectif est d’éliminer l’insécurité alimentaire, il n’est pas logique de fournir de petites sommes d’argent à des centaines de petits groupes qui ne sont pas en mesure d’aligner leurs activités pour atteindre cet objectif.

Au cours des dernières années, de nombreux organismes communautaires à but non lucratif ont été créés. Durant cette même période, les besoins sociaux n’ont fait qu’augmenter. Est-il possible que l’augmentation du nombre de groupes communautaires voués à la même cause ait entraîné une croissance de la demande de services pour ces mêmes causes ? Certes, l’inégalité sociale s’est accrue, mais l’augmentation du nombre d’organismes qui s’attaquent à cette inégalité ne semble pas avoir d’impact sur elle.

La pandémie suscite des inquiétudes quant à la survie d’un certain nombre d’organisations à but non lucratif, mais ce ne doit pas être le rôle des gouvernements de se préoccuper de leur survie.

Ils devraient être plutôt préoccupés par la qualité des services fournis aux personnes dans le besoin et par l’existence d’un continuum de soins appropriés pour les personnes vulnérables. Les gouvernements doivent cesser d’essayer d’aider les organisations caritatives à survivre et veiller à ce que le financement public soit axé sur des solutions qui permettent d’atteindre des objectifs sociaux spécifiques.

La reprise sera bientôt à nos portes. Ne laissons pas passer cette occasion unique de donner un grand coup de barre qui permettra de mettre fin à la précarité des plus démunis de notre société.

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