En réponse à la chronique de Francis Vailles, « Non, le Québec n’a pas le pire système d’éducation », publiée le 10 juin

Dans son article du 10 juin, le chroniqueur Francis Vailles s’en prend à un rapport publié par le Mouvement L’école ensemble en octobre dernier. Si l’article souligne une faille signifiante du rapport, il comporte toutefois des imprécisions importantes. Une mise au point s’imposait.

Rappelons que ce rapport présentait quatre indicateurs d’équité en éducation tirés du rapport PISA 2015. Auparavant, nous n’avions accès qu’aux chiffres d’équité « canadiens » (moyenne des systèmes d’éducation provinciaux). Nous avons demandé et obtenu des responsables du PISA des chiffres par province, plus pertinents étant donné que les systèmes d’éducation sont de compétence provinciale.

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M. Vailles écrit d’entrée de jeu que le message de notre rapport était le suivant : « il faut fermer nos écoles sélectives privées ou publiques internationales, car notre système donne des résultats épouvantables ». D’abord, nos propositions de politiques sont plus nuancées que la fermeture de ces écoles : elles visent toutes une plus grande mixité sociale, que M. Vailles dit juger importante. Ensuite, notre rapport ne concernait pas la hiérarchie des résultats obtenus, mais bien la question centrale de l’équité en éducation.

Dans son volume du PISA 2015 consacré à cette question, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) rappelle qu’en éducation, l’équité signifie qu’un système éducatif fournit les mêmes chances d’apprendre à tous les élèves : « Par équité, on n’entend pas l’obtention des mêmes résultats éducatifs par tous les élèves, mais plutôt l’absence de lien entre les différences de résultats entre les élèves et le milieu dont ils sont issus ou les facteurs économiques et sociaux sur lesquels ils ne peuvent exercer aucun contrôle. » On peut donc dire qu’équité est synonyme de justice ou encore d’égalité des chances.

Les chiffres de notre rapport montraient que pour quatre indicateurs d’équité, le Québec se classait dernier au pays. Sauf que nous n’avons pas tenu compte de l’écart-type, c’est-à-dire la marge d’erreur des résultats, pour les interpréter. Cette marge est relativement petite sur le plan national, mais peut prendre de l’importance lorsqu’on arrive sur le plan provincial. En appliquant cette marge d’erreur, on constate que pour plusieurs des indicateurs, les chiffres ne sont plus statistiquement significatifs. Cela ne change pas les résultats en tant que tels, mais cela change la validité scientifique liée à l’interprétation de ces résultats. On ne peut pas dire hors de tout doute raisonnable que, par exemple, le Québec est dernier au pays pour tel indicateur. Toutefois, il existe un indicateur (sur les quatre) pour lequel des provinces ont des résultats statistiquement significatifs. Il s’agit de l’écart de performance des élèves défavorisés selon qu’ils fréquentent une école favorisée ou défavorisée. Cet indicateur, appelé le « double désavantage » par PISA, est crucial, étant en prise directe avec le niveau de ségrégation scolaire des systèmes éducatifs. Le rapport initial montrait le Québec dernier sur sept provinces (le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard ne faisaient pas partie du portrait puisqu’elles comptaient trop peu d’observations pour être fiables). En tenant compte de la marge d’erreur, on peut dire que le Québec a des résultats inférieurs de façon statistiquement significative à quatre provinces canadiennes (Alberta, Manitoba, Terre-Neuve-et-Labrador et Saskatchewan).

Vous aurez compris qu’on ne peut conclure que le Québec fait mieux ou moins bien que l’Ontario et la Colombie-Britannique. Donc si globalement les chiffres sont moins concluants que ce que le rapport présentait, certaines des données gardent leur validité et leur utilité pour comprendre l’enjeu social majeur qu’incarne notre système d’éducation à trois vitesses. Nous avons fait part de cette information à M. Vailles qui n’en a pas parlé dans son article. Il faut aussi dire que nos constats de base dépassent les comparaisons canadiennes et s’arriment aux inquiétudes de nombreux chercheurs et organismes, dont le Conseil supérieur de l’éducation qui écrivait en 2016 : « la stratification de l’offre de formation pendant la scolarité obligatoire – causée par la multiplication des programmes particuliers sélectifs et des établissements privés – entraîne des inégalités de traitement au bénéfice des plus favorisés » (rapport Remettre le cap sur l’équité). Comme l’écrivaient Marcotte-Fournier et al. en 2016 dans une analyse de l’effet entre le type de classe que deux enfants aux caractéristiques équivalentes fréquentent et leur performance scolaire, « alors que les impacts délétères de l’organisation scolaire sont souvent très peu considérés dans la prévention du décrochage, la présente étude montre ainsi que l’organisation “ségrégante” des groupes-classes influe sur une des variables les plus significativement associées au décrochage : le rendement scolaire ». Et, au-delà des notes, que dire de l’effet de cette autre distanciation sociale entre enfants pour la cohésion de notre société ?

Comme indiqué dans un erratum publié le 5 juin sur nos plateformes, nous mettrons à jour le rapport de manière à présenter les résultats accompagnés cette fois de leur marge d’erreur. Cette expérience servira au Mouvement L’école ensemble de leçon pour la suite des choses. Car ce mouvement citoyen s’améliorera et grandira, n’en doutez pas. Dans le contexte actuel, le combat pour une société où l’égalité de chances n’est pas un vain mot est plus que jamais nécessaire. Contribuez-y !

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