Le développement économique et le développement social d’une collectivité sont intimement liés, mais ne vont pas forcément de pair. L’histoire de l’évolution du Grand Montréal au cours des deux dernières décennies est celle d’une grande déconnexion entre une croissance économique fulgurante et la stagnation de plusieurs indicateurs-clés de progrès social.

Cette histoire, la Fondation du Grand Montréal (FGM) en a esquissé les grandes lignes dans son dernier rapport Signes vitaux du Grand Montréal, en utilisant la matrice des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies. Et ce sont les conséquences de cette histoire qui sont abruptement mises en lumière par la crise que nous vivons depuis trois mois, une crise qui provoque beaucoup de détresse à travers la communauté et à laquelle nous devons chercher de nouvelles solutions.

L’essor économique du Grand Montréal au fil des dix dernières années est indéniable. Tout juste avant que la pandémie de COVID-19 frappe, Montréal jouissait de son plus bas taux de chômage depuis des décennies. L’économie montréalaise, dynamisée par ses jeunes diplômés et le développement de nouveaux secteurs de pointe, était de plus en plus productive, créative et diversifiée. La plupart des indicateurs économiques étaient au vert et le milieu des affaires envisageait l’avenir avec confiance.

Beaucoup d’entre nous en avons bénéficié. Toutefois, cet élan ne s’est pas répercuté chez les plus vulnérables de notre société.

Beaucoup d’aînés, de femmes, d’enfants et de jeunes adultes, de personnes immigrantes, racisées ou autrement marginalisées n’ont pas bénéficié des fruits de cette impressionnante croissance de notre économie. Et aujourd’hui, au moment où cette crise sanitaire nous frappe brutalement, ce sont ces mêmes personnes qui sont les plus durement touchées par les conséquences économiques et sociales de la pandémie. Les services publics et les organismes communautaires, qui méritent toute notre reconnaissance, font des pieds et des mains pour éteindre les feux. Mais force est de constater que les ressources – financières, matérielles, organisationnelles, humaines – ne suffisent tout simplement pas à la tâche.

À Montréal en 2020, les inégalités sont en croissance et la mobilité sociale s’enraye. Près de 15 % de nos concitoyennes et concitoyens vivent en situation d’insécurité alimentaire. Et pourtant, les deux tiers de ces personnes occupent un emploi rémunéré. Montréal est aussi la capitale québécoise de la pauvreté chez les enfants. Le décrochage scolaire demeure trop élevé, surtout dans les écoles publiques francophones et chez les garçons. En effet, malgré les efforts de « raccrochage », 15 % des jeunes n’obtiendront au final aucun diplôme. Ces faits auront des conséquences profondes sur l’avenir de ces jeunes, mais aussi de toute notre communauté. Nous avons également encore de graves problèmes de violence, surtout contre les femmes et les jeunes filles. Et nous sommes sans doute à l’aube d’une nouvelle crise du logement. Tout n’est pas noir, bien sûr. Le bilan environnemental de notre région (qualité de l’air et pertes d’eau potable, taux de récupération des déchets, couvert forestier, inventaire des GES) s’améliore lentement. Nous avons enfin commencé à investir de manière importante dans les transports collectifs et actifs. Le taux de suicide s’améliore, tout comme l’espérance de vie et les habitudes alimentaires. Et les femmes prennent de plus en plus leur place dans nos universités, nos milieux de travail, nos parlements et nos conseils d’administration.

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