Qu’est-ce que le racisme systémique ? Selon la Commission ontarienne des droits de la personne, « la discrimination systémique peut être décrite comme des modèles de comportement, des politiques ou des pratiques qui font partie des structures d’une organisation et qui créent ou perpétuent un désavantage pour les personnes racisées ». Le dictionnaire en ligne Lexico définit pour sa part le racisme institutionnel comme « la discrimination raciale qui s’est imposée comme un comportement normal au sein d’une société ou d’une organisation ».

De nombreux exemples de racisme systémique sont clairement définis, comme l’ancien système d’apartheid en Afrique du Sud, qui accordait explicitement aux Blancs un traitement préférentiel par rapport aux Noirs. Les lois de Jim Crow promulguées par les États américains aux XIXe et XXsiècles ont privé les citoyens noirs de leurs droits, imposé la ségrégation et renversé les gains politiques et économiques des Noirs américains. Au Canada, des clauses restrictives en matière immobilière interdisaient la vente de propriétés à des Noirs, des Juifs et des immigrants chinois jusqu’à ce que les tribunaux les annulent en 1950.

Mais le racisme systémique n’est pas toujours aussi flagrant. Les formes subtiles incluent un traitement différencié des suspects blancs et non blancs pour une même infraction ou de plus importantes dépenses par habitant attribuées pour l’éducation des enfants non autochtones que pour leurs pairs autochtones. Parfois, le racisme systémique prend la forme d’un crime, comme l’abus de femmes autochtones par les forces de police. Ou plus récemment, le meurtre de l’homme noir George Floyd par le policier blanc Derek Chauvin, à Minneapolis.

Selon un sondage Abacus publié cette semaine, 61 % des Canadiens croient que le racisme systémique existe dans notre pays. Cependant, tout le monde n’est pas de cet avis. La commissaire de la GRC, Brenda Lucki, a déclaré sur plusieurs réseaux d’information que « si le racisme systémique signifie que le racisme est ancré dans nos politiques et procédures, je dirais que nous n’avons pas de racisme systémique ». Le premier ministre du Québec, François Legault, vient de déclarer : « Je ne comprends pas pourquoi les gens essaient de s’en tenir à un seul mot. Je pense que ce qui est important, c’est de dire – et tout le monde en convient – qu’il y a du racisme au Québec, et que nous n’en voulons plus. »

En effet, nous n’en voulons plus. Mais le fait de reconnaître que le racisme s’étend au-delà de l’individu aux habitudes ou aux pratiques d’une institution n’est pas « de s’en tenir à un seul mot ».

C’est de reconnaître que les cultures en milieu de travail peuvent renforcer les préjugés individuels, ou les normaliser au point qu’ils deviennent simplement des banalités. En conséquence, les personnes subissent un traitement différentiel de race ou de couleur de peau, et certaines seront systématiquement désavantagées.

Quel est le remède à cet état de fait ? La première étape consiste à le reconnaître ; la seconde, à l’éradiquer. Cela signifie l’adoption d’une politique de tolérance zéro pour le traitement raciste ou discriminatoire des personnes qui interagissent avec une institution.

Cela signifie que les lois et les politiques doivent être régulièrement revues pour s’assurer que leur application est juste et impartiale. Tous les candidats sont-ils pris en considération pour des emplois, pas seulement ceux avec des noms « blancs » ? Toutes les promotions sont-elles basées sur le mérite ; certaines ont-elles été refusées en raison de la race ? Les plaintes pour voies de fait ou crimes sont-elles prises autant au sérieux lorsqu’elles sont formulées par des personnes blanches que lorsqu’elles le sont par des personnes non blanches ?

Certains militants iraient encore plus loin. Ils veulent « définancer » la police ou dissoudre les corps policiers, comme a décidé de le faire le conseil municipal de Minneapolis.

Ils voient chaque structure comme enracinée dans le racisme parce qu’elle a été imposée par des structures dites « coloniales », et donc irrémédiables. Poussée à l’extrême, cette vision signifie le rejet non seulement des structures, mais d’États entiers eux-mêmes.

Mais dans le cas du Canada, cela signifierait le démantèlement d’un pays qui, tout en ayant pratiqué le racisme, a également combattu le racisme. Oui, le Canada a imposé une taxe d’entrée aux travailleurs immigrants chinois. Mais le Canada était aussi le terminus du chemin de fer clandestin qui a vu les esclaves noirs retrouver la liberté après avoir fui les États-Unis. Oui, le Canada a arraché les enfants autochtones à leurs familles pour les placer dans des pensionnats où ils ont subi de terribles sévices. Mais le Canada est également le pays qui a pris position contre l’apartheid, lorsque le premier ministre Brian Mulroney a convaincu des leaders sceptiques comme Margaret Thatcher et Ronald Reagan de se joindre à lui dans la lutte pour mettre fin à la pire forme de racisme systémique que l’on puisse imaginer.

En matière de racisme, le Canada doit faire mieux. Mais le déclarer irrémédiable serait une erreur. Nous devons miser sur le bien, pour rejeter le mal. Nous devons reconnaître nos défauts, et non seulement nous promettre de faire mieux, mais regarder notre propre histoire, trouver les moments où nous avons fait mieux et nous efforcer d’honorer ces moments, de façon concrète, tous les jours.

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