Nier l’existence du racisme systémique au Québec, c’est faire preuve d’aveuglement volontaire. C’est nier l’existence de processus sociaux et de structures de pouvoir qui entraînent des inégalités raciales lors de la prise de décisions visant les personnes racisées et les membres des nations autochtones ou le traitement de celles-ci.

S’il n’y a pas de racisme systémique au Québec, comment expliquer les différences salariales, alors que les personnes racisées sont souvent surqualifiées et sous-payées ? Comment expliquer que les candidats ayant un patronyme à consonance étrangère ne sont pas convoqués en entrevue ? Comment justifier l’absence significative de représentativité des personnes racisées au sein de l’appareil gouvernemental québécois et de ses grandes institutions, alors qu’ils devraient être les premiers à donner l’exemple ? Comment expliquer la faible représentativité des personnes racisées au sein de la magistrature et au sein des postes de direction ? Comment expliquer que les enfants afro-canadiens et les enfants autochtones soient surreprésentés à la DPJ ? Comment expliquer le profilage racial ? Comment expliquer les taux d’incarcération disproportionnés chez les Noirs et les populations autochtones ? Voilà autant de questions qui nous indiquent que les systèmes font preuve de traitement discriminatoire.

J’ai consacré une grande partie de ma vie à défendre le droit à l’égalité des plus démunis, je pense notamment au règlement des actions collectives des pensionnats indiens qui visaient à compenser les sévices sexuels subis par les autochtones dans les pensionnats ainsi qu’à la création de la Commission de vérité et de réconciliation. J’ai été à la tête de nombreuses initiatives du Barreau du Québec.

En février 2017, considérant ma vaste expérience en droit de la personne, l’Assemblée nationale m’a nommée présidente de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (la Commission). J’étais la première femme noire à accéder à cette fonction.

Le gouvernement m’avait alors confié le mandat de mener la Consultation sur le racisme et la discrimination systémique. On se rappellera qu’à cette époque, les migrants haïtiens franchissaient le chemin Roxham. Très rapidement, cette consultation a été tuée dans l’œuf, malgré mon opposition.

Dans un communiqué de presse diffusé sous ma direction le 20 octobre 2017, je soulignais publiquement l’importance pour la Commission de poursuivre sa réflexion sur la discrimination systémique dans les domaines du logement, de la justice, de la sécurité publique, de l’éducation, des médias, de la santé et des services sociaux. Je soutenais aussi que « la Commission considère essentiel de poursuivre l’analyse des impacts de ces diverses problématiques notamment sur les personnes racisées, dont celles nées au Québec ».

Peu de temps après la diffusion de ce communiqué, j’ai été contrainte de quitter la Commission et j’ai finalement été obligée de démissionner.

Mon passage à la Commission se résume simplement : très peu de temps après mon entrée en fonction, j’ai fait de nombreux constats troublants quant à la gestion de cet organisme. J’ai constaté de graves manquements qui affectent les contribuables du Québec, d’autres qui touchent les victimes de discrimination que la Commission est censée protéger et d’autres qui visent les personnes racisées qui accèdent au pouvoir.

L’enquête du Protecteur du citoyen a sérieusement miné ma réputation et mis en péril mon employabilité. Pour rétablir la crédibilité que j’ai mis plus de 30 ans à bâtir, je conteste devant les tribunaux l’enquête partiale et bâclée de l’ombudsman. D’ailleurs, le juge Prévost de la Cour supérieure du Québec a constaté « que les craintes de partialité exprimées par Me Thermitus sur la direction donnée à l’enquête par le Protecteur du citoyen reposent sur des faits en apparence troublants ».

Mais il y a plus. J’ai moi-même été la cible de plusieurs propos ouvertement racistes de la part de gestionnaires que j’étais censée diriger. J’ai également dénoncé cette situation aux autorités. Leur réaction? Une totale indifférence.

Pourquoi je me prends ici en exemple ? Parce que toute ma vie, je me suis battue pour la reconnaissance des droits des plus vulnérables. J’ai voulu donner une voix à ceux qui n’en avaient pas. Aujourd’hui, ce combat est d’autant plus pertinent et doit continuer. Les injustices doivent être dénoncées. Le racisme est un phénomène bien présent, tant au sein de nos structures et nos systèmes que dans le tissu même de nos relations avec autrui. Cette réalité historique est toujours bien présente et il faut agir.

En 2020, les Québécois comprennent que la reconnaissance du racisme systémique est encore plus urgente qu’en 2017. Cette fois, puisque la sagesse veut qu’on apprenne de nos erreurs, ils exhortent nos dirigeants à ne plus ignorer la voix de ceux qui sont la cible du racisme systémique lorsqu’ils le dénoncent.

Une approche s’impose : celle de la reconnaissance de l’existence du racisme systémique par l’État au nom de l’intérêt public et de la justice sociale, valeur sociale-démocrate. Plusieurs enseignements de la Commission de vérité et réconciliation sont d’autant plus d’actualité pour traiter des enjeux du racisme systémique. La principale leçon fut de consulter les survivants, de les écouter avec empathie et de prendre en compte leurs réalités.

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