Voici le compte rendu d’un atelier virtuel tenu la semaine dernière par l’Institut Open Diplomacy et l’ambassade du Canada à Paris sur le thème « COVID : le protectionnisme sera-t-il le maître-mot de la sortie de crise ? »

Cinq mois après l’arrivée de la COVID-19, les activités reprennent de façon graduelle, mais les frontières demeurent fermées. S’il est bien difficile de prévoir la suite, on doit quand même tenter de lire les tendances qui se dessinent.

Du côté économique, on constate les inquiétudes liées à la rupture des chaînes d’approvisionnement, la remise en question du commerce longue distance et une nouvelle affection pour l’achat local.

Au départ, ce sont les appels à la souveraineté alimentaire qui se sont fait entendre. Ensuite, avec la multiplication des hospitalisations et le « quant-à-soi sanitaire » de nombreux pays, c’est la sécurité sanitaire qui a pris le devant de la scène.

Attisée par la crise, l’opinion publique réagit. La délocalisation de production est perçue comme une menace et le libre-échangisme perd de son vernis. Au Canada, l’appui à l’idée de prioriser les efforts commerciaux avec la Chine a chuté de 40 % à 11 %.

En termes politiques, la crise accroît l’interventionnisme de l’État et rappelle son rôle incontournable à promouvoir l’intérêt public national. Au même moment, les organisations internationales peinent à coordonner une action collective et les dirigeants nationaux n’arrivent pas à leur donner l’impulsion nécessaire pour rebondir.

Comme le note Miville Tremblay de l’Institut C. D. Howe : « L’étroite collaboration du G20, qui a joué un rôle précieux durant la Grande Récession d’il y a 12 ans, manque maintenant à l’appel du grand déconfinement. »

L’économique et le politique se conjuguent et alimentent une tendance au repli.

C’est certainement le grand paradoxe de ce tsunami viral qui ne connaît pas de frontières. Nous sommes tous confrontés en même temps à un ennemi commun et nous savons qu’à défaut de gagner cette guerre partout, il n’y aura de paix nulle part. Alors que cela devrait nous rapprocher, nous voilà de plus en plus méfiants face aux autres et dépourvus d’institutions supranationales capables de dessiner la réplique.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

La montée du populisme identitaire et du cynisme démocratique, produit de la polarisation accrue, a laissé un champ de division et de méfiance. Le Brexit et le trumpisme en sont des illustrations.

Avec arrogance, à coups de tarifs et autres mesures arbitraires, les grandes puissances inquiètent dorénavant leurs propres alliés. Les grandes alliances qui servaient de pont entre la nation et le monde se disloquent, les règles ne tiennent plus, la décence passe à la trappe, la méfiance s’installe à demeure.

Le politique ne semble pas tenir le coup pour soutenir des environnements commerciaux internationaux stables et prévisibles.

Autant dans notre lutte commune contre la pandémie que pour éviter un coûteux repli sur soi économique, le politique doit se ressaisir. Il doit être capable de générer un nouvel ordre entre nations, porteur de confiance pour les citoyens et pour les entreprises.

Cela dit, le portrait n’est pas tout noir. Au début de 2019, par le traité d’Aix-la-Chapelle, Emmanuel Macron et Angela Merkel affirment leur intention de faire converger leurs politiques économiques, d’éducation, de recherche, de défense et de politique étrangère.

En avril 2019, le Canada et de nombreux autres pays se joignent à la France et à l’Allemagne au sein de l’Alliance pour le multilatéralisme. Ce regroupement considère le respect du droit international comme seule garantie de stabilité et de paix. Les pays membres désirent réformer les organisations internationales pour les rendre plus inclusives, représentatives, démocratiques et plus efficaces de manière à produire des résultats concrets pour les citoyens.

La manifestation la plus tangible de ce courant fut certainement la lettre publique commune des leaders politiques du Canada, de l’Italie, de la France, de l’Allemagne, de la Norvège et du Conseil et de la Commission européenne lançant l’initiative ACT (Acces to COVID-19 Tools). L’objectif consiste à enclencher un effort de coopération internationale permettant de développer un vaccin qui sera accessible et abordable pour tous.

Tout le cynisme ambiant ne réussit pas à amoindrir la force des propos de ces dirigeants politiques qui, malgré le scepticisme de leurs électeurs, affirment la nécessité d’instances communes : « C’est un moment déterminant pour la communauté mondiale. En nous mobilisant aujourd’hui autour de la science et de la solidarité, nous semons les graines d’une plus grande unité demain. Guidés par les objectifs de développement durable, nous pouvons repenser le pouvoir de la communauté, de la société et de la collaboration mondiale pour nous assurer que personne ne sera laissé pour compte. »

Tout compte fait, la pandémie révèle certes l’inaptitude des alliances et des institutions des dernières décennies à nous rassembler pour réagir, mais elle peut aussi permettre l’accélération d’un mouvement timidement enclenché d’inventer de nouvelles voies de passage de la nation vers le monde.

Il est à souhaiter que la situation actuelle nous pousse collectivement à dessiner un avenir meilleur pour l’humanité et que l’on nous propose le projet politique de le construire.

Demain : Rebâtir des marchés de confiance : Le progrès, c’est par où ?

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