Devant la baisse notable de ses revenus dus à la COVID-19, la direction d’Hydro-Québec a annoncé que la société d’État avait décidé de se retirer « temporairement » de l’international, de manière à concentrer ses investissements ici au Québec, pour soutenir une économie qui en a bien besoin.

Ce n’est pas une décision banale. À l’arrivée du PDG Éric Martel en 2015, Hydro-Québec avait mis le développement des marchés étrangers au cœur de sa stratégie de croissance des revenus d’ici 2030.

Misant en partie sur les succès passés entre 1996 et 2005 en Amérique latine (Chili, Panama, Pérou), Hydro a bien tenté de rééditer ses bons coups dans ces pays, notamment en transport d’électricité, où sa réputation et la qualité de son expertise sont largement reconnues.

Rappelons qu’Hydro, sous l’instigation du PDG André Caillé, avait lancé tous azimuts la société d’État dans l’aventure de l’investissement international au milieu des années 90. Plus de 1 milliard de dollars avait été investi dans des actifs à l’étranger.

Puis, en 2005, le nouveau PDG nommé à l’époque, Thierry Vandal, prend une décision radicale : on vend tout, le plus rapidement possible (2006-2007). Cette décision met fin aux investissements étrangers, mais aussi à la vente de l’expertise d’Hydro sur le marché des services professionnels, une activité qui remontait pourtant à… 1979.

Avec les profits dégagés de ces transactions, Hydro-Québec verse en 2006 des dividendes records à l’actionnaire (2,3 milliards).

À partir de 2005, donc, Hydro se concentre uniquement sur le développement du potentiel hydroélectrique du Québec (Eastmain, La Romaine) et les exportations d’électricité. Une orientation que n’a jamais prise sa consœur Électricité de France, qui a maintenu sa présence partout dans le monde depuis plus de trois décennies.

Un contexte différent

Mais depuis 15 ans, entre la fin des activités internationales de 2005 et leur reprise sous l’ère Martel, bien des choses avaient changé dans le marché international de l’électricité. Cela explique en partie pourquoi Hydro, à part un placement privé en février 2020 dans Innergex (661 millions), n’avait pas encore réussi à conclure un investissement hors Québec, malgré des efforts soutenus.

Durant les années 90, les grandes institutions de financement (FMI, Banque mondiale) jugeaient que, devant la performance déficiente des autorités publiques dans la gestion de leurs actifs électriques, la privatisation était la voie à prendre. Des entités privées, jugeait-on, pourraient mieux performer que l’État dans cette mission importante de service public.

Cette mouvance vers la privatisation a ouvert beaucoup de possibilités d’acquisitions d’actifs pour Hydro. Mais cette approche a depuis, sur le terrain, connu beaucoup de ratés, si bien que plusieurs États ont repris le contrôle de ce secteur névralgique. De plus, alors que, 20 ans plus tôt, le bassin de compétiteurs était surtout composé d’entreprises des pays riches, celui-ci s’était passablement élargi. La Chine, notamment, est entrée dans le marché, avec de formidables moyens : State Grid of China a ainsi acquis des positions en Europe, souvent à des prix imbattables pour ses compétiteurs.

Le milieu du financement aussi a connu une évolution. Devant la faiblesse des taux d’intérêt, les fonds de pension se sont mis à la recherche d’infrastructures énergétiques, pour leur niche d’investissements peu risqués, avec flux financiers prévisibles.

Rappelons qu’en 2005, avec la croissance importante du portefeuille des fonds de pension, le gouvernement du Canada a annoncé l’élimination de la limite de 30 % sur le contenu étranger de divers régimes de retraite. À son retour dans le marché en 2015, Hydro s’est retrouvée en compétition avec des institutions aux poches bien plus profondes que les siennes.

L’hydroélectricité, aussi, comme secteur d’investissement, est devenue moins en vogue que l’éolien et le solaire, énergies qui offrent maintenant des tarifs abordables contribuant à leur expansion rapide partout dans le monde.

Une niche étroite

L’appétit de risque a également joué un rôle. Comme société d’État, gérant une pression soutenue pour livrer des dividendes au gouvernement du Québec, son actionnaire, Hydro n’a pas droit à l’erreur : elle a donc mis l’accent sur la gestion rigoureuse des risques, une cible limitée de pays, ce qui veut dire (dans un milieu où plusieurs investisseurs se bousculent pour placer leur argent) une niche bien étroite, avec des rendements pas toujours attractifs.

Avec la fermeture de l’investissement à l’international, Hydro doit maintenant se retourner vers le Québec et les réseaux voisins pour mousser ses ventes. Or, les produits pétroliers occupent 42 % de la consommation énergétique du Québec, l’électricité, 35 %. De plus, l’importation pétrolière contribue grandement à notre déficit commercial.

Clairement, donc, Hydro a encore de la marge pour accroître sa part du gâteau, ici même au Québec, et contribuer d’autant à notre enrichissement collectif et à notre bilan environnemental.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion