La récente décision du gouvernement de rouvrir les écoles semble, en grande partie, motivée par le souci de protéger les enfants et les jeunes les plus vulnérables. Au lieu d’agir comme facteur de protection, nous redoutons plutôt qu’elle exacerbe leurs difficultés.

Anxiété chez les jeunes et leurs parents

Si le retour à l’école se veut une mesure de soutien destinée principalement aux jeunes en difficulté, encore faut-il que ces mesures n’aient pas l’effet contraire de générer de l’anxiété quant à la capacité de ces jeunes de récupérer certaines notions académiques pour, peut-être, réussir leur année scolaire. On individualise ici le problème des difficultés scolaires et on fait reposer sur le jeune et sa famille l’entière responsabilité de sa réussite, sans égard au contexte dans lequel ils vivent. Ces jeunes risquent de se retrouver seuls face à leurs difficultés avec des moyens largement insuffisants pour les surmonter.

Les conditions d’apprentissage académiques ne sont pas favorables, que ce soit au primaire ou au secondaire, à l’école ou dans les milieux familiaux. Pensons aux jeunes qui n’ont pas ou peu de soutien de leurs parents à la maison, qui ne maîtrisent pas la langue française, dont les parents doivent travailler ou ces jeunes qui doivent aider leurs parents, s’occuper de leurs frères et sœurs ou encore travailler pour soutenir financièrement leur famille.

Bien que le contexte actuel pose un lot de défis inédits, les mesures mises en place ne doivent pas être un amplificateur des inégalités sur le terrain de l’éducation.

L’éducation à distance, accessible pour tous ?

Force est de constater que les initiatives instaurées jusqu’à aujourd’hui pour assurer une éducation à distance ont délaissé les élèves vivant des difficultés scolaires. Bien que nous saluons le prêt de plus 15 000 tablettes avec un accès internet ainsi que le prêt d’appareils électroniques du réseau scolaire, il est nécessaire de rappeler que tous les jeunes ne sont pas égaux devant les technologies numériques. L’éducation à distance et la supposée opportunité de rattrapage scolaire demandent une importante autonomie de travail dont tous les jeunes ne disposent pas.

C’est pour ces raisons que l’on demande au ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Jean-François Roberge, de reculer sur la tenue d’évaluations d’ici la fin de l’année scolaire.

Pas si volontaire, ce retour à l’école…

Enfin, on nous laisse penser que les parents pourront volontairement envoyer leurs enfants à l’école. Cette affirmation fait abstraction de la réalité du milieu du travail. On peut facilement imaginer que tous les employeurs n’auront pas la même souplesse devant des parents souhaitant garder leurs enfants à la maison et que certains exigeront le retour au travail. Encore une fois, la décision du ministre n’offre pas une solution collective, mais se pose en termes de défis individuels dont les parents dans des situations d’emplois précaires seront les premières victimes.

La reprise du système de l’éducation doit être accompagnée d’un réel plan d’action qui offre de vraies solutions en réponse aux besoins de tous les jeunes sans laisser de côté ceux qui éprouvent des difficultés, et tenant compte des conséquences générées par la crise actuelle.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion