En réponse au texte de Daniel Renaud, « L’industrie du sexe s’adapte, la police veille », publié le 23 avril.

Daniel Renaud rapporte dans La Presse du 23 avril que l’« industrie du sexe s’adapte ». Et que la police veille.

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Or, l’« industrie du sexe » ne s’adapte pas, elle contrevient carrément aux règles. Aux règles élémentaires de salubrité, aux règles élémentaires de confinement, mais aussi aux règles de la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation (C36) votée en 2014.

Qui croira qu’un « gros nettoyage » est fait après chaque visite d’un prostitueur ? Et selon quelles règles ? Qui vérifie cela ?

Un coiffeur ou un acupuncteur qui ferait de telles affirmations serait sévèrement jugé et recevrait probablement une amende salée. Pourquoi ces propos sont-ils acceptables lorsqu’il est question d’acheter le corps d’une femme ?

Pourquoi le fait de réduire le nombre d’acheteurs est-il une adaptation, alors que les esthéticiennes ne peuvent recevoir AUCUNE cliente ?

Pour justifier le non-respect des règles de confinement, on rappelle la précarité financière des femmes. C’est bizarre qu’on pense à créer des plans de relance lorsque l’économie vacille, mais que la vente du corps des femmes qui sont prostituées ne trouve jamais d’autres débouchés que la vente de leur corps.

Sortir de la prostitution est difficile sans qu’on envisage que les femmes prostituées doivent « s’adapter » en temps de crise ou, pire, en supposant qu’elles ont le « mérite » de s’adapter.

C’est 90 % de ces femmes qui désirent mettre fin à ce système d’exploitation. La pandémie aurait été une bonne occasion d’augmenter les occasions pour ces femmes.

C’est bizarre qu’on médiatise la précarité des femmes qui sont prostituées, mais que les motivations des prostitueurs ne soient jamais remises en cause.

Pour les prostitueurs, c’est l’omerta ! Comme la prostitution d’ailleurs, comme le milieu qui l’exploite. Sauf quand on arrête des proxénètes.

L’autre côté de la médaille

L’article de Daniel Renaud mentionne bien l’autre côté de la médaille : la prostitution, lieu de vulnérabilité, lieu d’abus et l’urgence d’apporter de l’aide à ces femmes, comme le souligne Diane Matte, une des fondatrices de la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES).

Il est intéressant aussi de constater que le SPVM est à l’affût et qu’il a arrêté cinq proxénètes. Mais quand un membre de la police mentionne que l’utilisation de la webcam « amène des revenus sans déplacement et permet d’éviter des contacts à risque », je me questionne.

Mentionner ces mesures semble faire oublier que des hommes brisent les règles de confinement pour acheter des femmes.

Et que ces actes, même en dehors d’une pandémie, sont criminalisés depuis 2014.

On dirait une demi-application du « modèle » nordique élaboré par la Suède en 1999. Ce modèle implique l’éducation de la population, et particulièrement des hommes, à l’incongruité de marchander les femmes (et aussi les jeunes filles et les hommes vulnérables).

Oui, ces gens sont vulnérables, mais l’aspect monétaire n’est pas le seul critère à considérer. Les désirs des prostitueurs ne sont pas essentiels.

Comme société qui tend vers l’égalité entre les femmes et les hommes, quand remettrons-nous enfin en question l’achat du corps des femmes par des hommes ?

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