Depuis quelques semaines, nos vies sont réglées au rythme de ce fameux mantra : 2 mètres, 20 secondes, ça va bien aller.

L’expression « distanciation sociale » est apparue soudainement dans mon vocabulaire et en un court laps de temps, elle est devenue aussi banale que l’expression « victime collatérale » inventée lors de la guerre du Golfe. Et me voilà en retrait de la société. Par la fenêtre, je regarde passer le temps. Heureusement, le soleil vient me rendre visite directement chez moi sans crier gare. Entre le ménage et le lavage, la cuisine et la lecture, je guette la sortie des perce-neige de la mince couche de glace, annonciatrice d’un printemps pas ordinaire.

Deux mètres, 20 secondes, ça va bien aller.

Après deux semaines, la distanciation a plutôt pris l’air de la disTENTATION dans mes rêves. Des gestes anodins que nous tenions pour acquis s’avèrent illégaux au temps du coronavirus.

Je m’ennuie de ma longue marche quotidienne, je m’ennuie de mes visites chez les commerçants du quartier, je m’ennuie de ma famille, de mes amis, je m’ennuie du toucher.

Deux mètres, 20 secondes, ça va bien aller.

Je m’ennuie du toucher. Alors, je peins… avec mes doigts. Je me suis laissé aller, sans idées préconçues. Des gestes amples. Comme quand on ouvre les bras pour accueillir un ami, embrasser son enfant. Le résultat n’est pas esthétique, mais ça fait du bien.

Alors, je dessine. En traçant les portraits, je caresse par le bout du crayon les traits du visage, je suis le contour des oreilles, la courbure du nez, la rondeur de la bouche. Le résultat n’est pas fameux, mais ça fait du bien.

Deux mètres, 20 secondes, ça va bien aller.

En attendant, j’imagine le jour où tout redeviendra normal, comme avant. Non, impossible, je recommence. En attendant, je visualise ce moment tant attendu : je voudrais tout simplement serrer bien fort dans mes bras mes enfants, mes petits-enfants, mes amis. Et murmurer à leurs oreilles « je t’aime ».

Je n’empêcherais plus mes petits-enfants de courir vers moi pour me donner de gros câlins mouillés et ils chuchoteraient à mes oreilles « je t’aime », « Bà Nôi ».

Deux mètres, 20 secondes, ça va bien aller.

En attendant, je ne fais pas de pain, car il n’y a plus de farine. À la place, je fais pousser des graines de luzerne. C’est encore plus zen.

Deux mètres, 20 secondes, on va s’en sortir.

À la prochaine accolade.

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