Nous sommes un groupe de scientifiques dans le domaine de la santé et de médecins qui écrivons pour exprimer notre préoccupation concernant les effets de la pandémie de COVID-19 sur la santé des communautés autochtones et pour souligner l’urgence d’un soutien proactif pour la sécurité alimentaire et le logement. Nous appelons à la solidarité et à une meilleure réconciliation en ces temps difficiles.

Vous devez être conscients de l’importante insécurité alimentaire et de la vulnérabilité des communautés autochtones aux maladies infectieuses. Les communautés autochtones font face à une prévalence d’insécurité alimentaire très élevée, quatre fois supérieure à la moyenne nationale canadienne, atteignant 80 % dans certaines communautés éloignées. La malnutrition et une exposition élevée aux contaminants environnementaux sont également très répandus, avec des implications importantes pour l’efficacité de la réponse immunitaire. Ces problèmes sont aggravés par la crise actuelle et mettent en péril l’accès des communautés à une alimentation saine, qui est essentielle au maintien d’un système immunitaire sain.

Comme plusieurs communautés autochtones dépendent du transport d’aliments du marché en provenance du sud ou des grands centres urbains, les restrictions actuelles des déplacements limiteront probablement de façon considérable l’accès à des aliments frais et nutritifs. Le coût élevé des matériaux pour les activités traditionnelles contribuera également à leur insécurité alimentaire en réduisant leur accès aux territoires traditionnels pour la chasse, la pêche et la cueillette d’aliments traditionnels, qui sont de grande qualité nutritionnelle.

Les communautés autochtones doivent avoir le pouvoir de contrôler leur environnement alimentaire et d’accéder à tous les aliments nécessaires afin d’assurer leur santé et leur bien-être.

Alors que les autorités de santé publique recommandent aux personnes de rester à la maison, il convient de rappeler que les peuples autochtones vivent dans certaines des conditions de logement les plus extrêmes du pays. Dans plusieurs cas, l’accès à l’eau potable est aussi un enjeu de taille. De plus, 20 % des peuples autochtones vivent dans des logements nécessitant des réparations majeures et 20 % vivent dans des maisons surpeuplées, un taux nettement supérieure à la moyenne nationale. La prévalence de surpeuplement et de logements mal entretenus est encore plus élevée dans les communautés inuites et des Premières Nations isolées, où l’occupation moyenne est de six personnes par maison.

La ventilation est essentielle pour éliminer les particules infectieuses dans l’air et des recherches antérieures menées par des membres de notre groupe ont montré que plus des deux tiers des maisons de ces communautés ont des taux de ventilation qui ne répondent pas aux normes canadiennes. De nombreux logements autochtones ont également des concentrations élevées de moisissures et d’autres contaminants dans l’air. En outre, le piètre accès aux services de santé, les prévalences plus élevées de maladies chroniques, telles que le diabète et de maladies respiratoires, et les conditions de vie inadéquates, dont le surpeuplement, les rendent particulièrement à risque pour la COVID-19.

L’annonce de 100 millions de dollars pour soutenir les banques alimentaires et les organisations alimentaires locales vendredi dernier tombe à point nommé. Cependant, plusieurs communautés ne font pas partie des systèmes alimentaires locaux et régionaux déjà en place et auront une capacité limitée d’utiliser ces ressources financières pour répondre aux besoins alimentaires de leurs populations. Un soutien logistique doit également être fourni pour assurer un approvisionnement régulier en aliments de bonne qualité et en aliments traditionnels pour les communautés autochtones.

Nous devons reconnaître qu’il existe toujours un racisme systémique au sein de la société canadienne qui refait rapidement surface dans de tels évènements.

Des exemples récents sont survenus où des membres des Premières Nations présentant des symptômes ont été refoulés à la porte des hôpitaux, ce qui a non seulement compromis leur propre santé, mais a également pu contribuer à propager le virus dans leurs communautés. D’autres histoires ont fait surface sur la façon dont des membres achetant de la nourriture pour les aînés ont été refoulés de supermarchés parce qu’ils achetaient en trop grandes quantités.

Les nations autochtones ont déjà fait face à d’énormes défis au cours des siècles passés et ont prouvé leur grande résilience. En cette période de crise, nous devons veiller à ce que toutes les personnes vivant au Canada, y compris les peuples autochtones, aient un accès équitable aux services et aux ressources afin d’atténuer la propagation de la COVID-19, en collaboration avec les communautés environnantes et les organisations régionales de santé publique et, par le biais du processus de réconciliation, continuer à apprendre les uns des autres et à élaborer des solutions innovantes.

Nous soutenons également qu’il est essentiel, à court terme durant la crise de la COVID-19, que les gouvernements travaillent en étroite collaboration avec les leaders et les communautés autochtones afin de fournir un soutien alimentaire et des soins médicaux, y compris des évacuations médicales en temps opportun si nécessaire, et, à long terme, apportent des améliorations substantielles à leur alimentation, à leur sécurité et leur souveraineté alimentaire, à l’entretien des logements existants et à la construction de nouveaux logements.

* Signataires du projet FENHCY : Laurie Chan, professeur, Chaire de recherche du Canada, Université d’Ottawa ; Malek Batal, professeur, département de nutrition, Université de Montréal ; et Mélanie Lemire, professeure, Chaire de recherche Littoral, département de médecine sociale et préventive, Institut de biologie intégrative et des systèmes (IBIS), CHU de Québec-Université Laval ; Geneviève Mercille, professeure, département de nutrition, Université de Montréal ; Mylene Riva, professeure, Chaire de recherche du Canada en logement, communauté et santé, Institut pour la santé et les politiques sociales, département de géographie, Université McGill ; Thomas Kovesi, pédiatre et professeur de pédiatrie au Centre hospitalier de l’est de l’Ontario pour enfants et à l’Université d’Ottawa ; Treena Delormier, professeure, École de nutrition humaine, directrice associée, Centre pour la nutrition et l’environnement des peuples autochtones, Université McGill ; Pierre Ayotte, professeur, département de médecine sociale et préventive, CHU de Québec-Université Laval ; Brittany Jock, chercheuse postodoctorale, Centre pour la nutrition et l’environnement des peuples autochtones, École de nutrition humaine, Université McGill.

Signatures d’autres chercheurs et médecins œuvrant en santé autochtone : Donna Mergler, professeure émérite, Université du Québec à Montréal ; Annalee Yassi, professeure, École des populations et de la santé publique, Université de la Colombie-Britannique ; Janie Allaire, stagiaire postdoctorale, département de médecine sociale et préventive, Université Laval ; Jean-Sébastien Moore, professeur, département de biologie, Institut de biologie intégrative et des systèmes (IBIS), Université Laval ; Dave Saint-Amour, professeur, département de psychologie, Université du Québec à Montréal ; Élyse Caron-Beaudoin, chercheuse postdoctorale, département de la santé au travail et de l’environnement, Université de Montréal ; Benoît Lévesque, professeur de clinique, département de médecine sociale et préventive, Université Laval ; Hugo Asselin, professeur et directeur de l’École d’études autochtones, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue ; Brian Laird, professeur, Groupe de recherche sur l’exposition humaine et la toxicologie, École de santé publique et des systèmes de santé, Université de Waterloo ; Marc Fraser, chercheur postdoctoral, département science et technologie, Université TÉLUQ ; Francis Lévesque, professeur, École d’études autochtones, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue ; Myriam Fillion, professeure, département science et technologie, Université TÉLUQ ; Catherine Girard, chercheuse postdoctorale, Centre d’études nordiques et Chaire de recherche Littoral, Université Laval ; Katherine Frohlich, professeure, École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM), Université de Montréal ; Tracey Galloway, professeure, département d’anthropologie, Université de Toronto ; Chris Furgal, professeur, Études et sciences environnementales autochtones, Université de Trent ; Kate Zinszer, Professeure, École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM), Université de Montréal ; Faiz Ahmad Khan, professeur, département de médecine, Université McGill, directeur associé, Centre international de TB de McGill ; Cécile Aenishaenslin, professeure, Département de pathologie et microbiologie, faculté de médecine, Université de Montréal ; Linda Larcombe, professeur associé, département de médecine interne, Université de Manitoba ; Jeff Reading (Premières Nations Mohawk Tyendinega), professeur, faculté des sciences de la santé, Université Simon Fraser, président, autorité sanitaire des Premières Nations de la CB Cœur santé et bien-être ; directeur, Centre IHEART, Hôpital St. Paul’s, cardiologie, Centre de recherche en santé Providence ; Matthew Little, professeur, École de santé publique et de politique sociale, Université de Victoria ; Josée Lavoie, professeur, département des sciences de la santé communautaire, Université du Manitoba ; David Olson, professeur, département d’obstétrique et de gynécologie, Université de l’Alberta ; Marc-André Verner, professeur, Centre de recherche en santé publique, CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, département de santé environnementale et santé au travail, Université de Montréal ; Rebecca Schiff, professeur, département des sciences de la santé, Université Lakehead ; Alan Katz, directeur, Centre pour la politique de la santé du Manitoba, professeur, départements des sciences de la santé communautaire et de la médecine familiale, Université du Manitoba ; Julia Christensen, chaire de recherche du Canada en gouvernance et politique publique du Nord, Université Memorial de Terre-Neuve-et-Labrador ; Suzy Basile, professeure, chaire de recherche du Canada sur les enjeux relatifs aux femmes autochtones, directrice du laboratoire de recherche Mikwatisiw, École d’études autochtones, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue ; Pierre S. Haddad, professeur, département de pharmacologie et physiologie, Université de Montréal ; Sean Hillier (Mi’kmaw), professeur et conseiller spécial auprès du doyen de la santé sur les initiatives autochtones, École de politique et de gestion de la santé, Université de York ; Morgan Kahentonni Phillips, coordinateur de recherche NEIHR, Université McGill ; Alain Cuerrier, professeur associé, Institut de recherche en biologie végétale, Jardin Botanique de Montréal, Université de Montréal ; Mariette Chartier, chercheure scientifique et professeure, Centre manitobain pour la politique en santé et sciences de la santé communautaire, Collège de médecine Max Rady, Université du Manitoba ; Corina Borri-Anadon, professeure, département des sciences de l’éducation, Université du Québec à Trois-Rivières ; Marie-Claude Tremblay, professeure, département de médecine familiale et de médecine d’urgence et vice-décanat à la pédagogie et au développement continu, Université Laval ; Cory Steven Harris, professeur, département de biologie, École d’épidémiologie et de santé publique, Université d’Ottawa ; Sivane Hirsch, professeure, département des sciences de l’éducation, Université du Québec à Trois-Rivières ; Shelagh McCartney, Directrice, labo Together Design, directrice, labo +city, professeure, École d’urbanisme et d’aménagement du territoire, Université de Ryerson ; Pierre Legagneux, professeur, département de biologie, Université Laval ; Karine Gentelet, professeure, département des sciences sociales, Université du Québec en Outaouais ; Tiff-Annie Kenny, chercheure postdoctorale Banting, chaire de recherche Littoral, département de médecine sociale et préventive, CHU de Québec-Université Laval ; Tim K. Takaro, médecin, professeur, faculté des sciences de la santé, Université Simon Fraser ; Gwyneth Anne MacMillan, chercheure postdoctorale, sciences des ressources naturelles, Centre pour la nutrition et l’environnement des peuples autochtones, Université McGill ; Jill Elaine Torrie, conseillère, Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie James ; Simon Larose, professeur, directeur du GRIP-Laval, département d’études sur l’enseignement et l’apprentissage, Université Laval ; Jo Anni Joncas, chercheure postdoctorale, faculté d’éducation, Université d’Ottawa ; Lyana Patrick, professeure, faculté des sciences de la santé, Université Simon Fraser ; Sara Pedro, chercheure postdoctorale, département de médecine sociale et préventive, Université Laval ; Brian C Foster, professeur, faculté de médecine, Université d’Ottawa ; Noreen Willows, professeure, Nutrition en santé publique et des populations, Université de l’Alberta ; Lorna A. Turnbull, professeure, faculté de droit, Université du Manitoba ; Pascale Breault, omnipraticienne, GMF-U Nord de Lanaudière et Centre de santé Masko-Siwin, Centre de pédiatrie sociale Mihawoso, Manawan ; Charlotte Waddell, professeure et directrice du Centre des politiques sur la santé des enfants, faculté des sciences de la santé, Université Simon Fraser ; Malcolm Steinberg, directeur, pratiques de la santé publique, faculté des sciences de la santé, Université Simon Fraser ; John Calvert, professeur, faculté des sciences de la santé, Université Simon Fraser ; Jean-Éric Tremblay, professeur, département de biologie, Université Laval ; Samuel Spiegel, professeur, Université d’Edinburgh ; Margot Parkes, professeure, École des sciences de la santé, Université du Nord de la Colombie-Britannique ; Sébastien Brodeur-Girard, professeur, École d’études autochtones, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue ; Scott Venners, professeur, faculté des sciences de la santé, Université Simon Fraser ; Bonnie McElhinny, professeure, Water Allies/New College, Université de Toronto ; Robert Hogg, professeur, faculté des sciences de la santé, Université Simon Fraser ; Ojistoh Horn, médecin, Clinique médicale d’Akwesasne ; John O’Neil, professeur, santé mondiale et autochtone, faculté des sciences de la santé, Université Simon Fraser ; Marni D. Brownell, professeure, chercheure principale, directrice associée de la recherche, Centre des politiques de santé du Manitoba, Université du Manitoba ; Marianne Falardeau-Côté, chercheure postdoctorale, chaire de recherche Littoral, département de médecine sociale et préventive, CHU de Québec-Université Laval ; Sabrina Moisan, professeure, didactique de l’histoire et de l’éducation à la citoyenneté, département de pédagogie, Université de Sherbrooke ; Richard Oster, associé de recherche, département des sciences agricoles, alimentaires et nutritionnelles, professeur, département d’obstétrique et de gynécologie, professeur, division de l’engagement communautaire, Université de l’Alberta ; Julie Christine Cotton, professeure, département d’orientation professionnelle, Université de Sherbrooke ; Jon Salsberg, professeur de médecine familiale, Université McGill ; Amanda Lipinski, directrice de programme, Cercle autochtone de santé sur le diabète ; Tracey Galloway, professeure, département d’anthropologie, Université de Toronto ; Lucie Nadeau, médecin, professeure, département de psychiatrie, Université McGill ; Scott Lear, professeur, titulaire de la chaire Pfizer/Heart & Stroke Foundation en recherche sur la prévention cardiovasculaire à l’hôpital St. Paul, faculté des sciences de la santé, Université Simon Fraser ; Ann C Macaulay, médecin, professeure de médecine familiale, Projet de prévention du diabète dans les écoles de Kahnawake, Université McGill ; Adriano Magesky, chercheur postdoctoral, chaire de recherche Littoral, département de médecine sociale et préventive, CHU de Québec-Université Laval ; Rosanne Blanchet, chercheure postdoctorale Banting, département des sciences agricoles, alimentaires et nutritionnelles, Université de l’Alberta ; Shahrzad Mojab, professeur, département du leadership, de l’enseignement supérieur et de l’éducation des adultes, Université de Toronto ; Sylvie Ouellet, professeure, département des sciences de l’éducation, responsable du conseil pédagogique autochtone, Université du Québec à Trois-Rivières ; et Philippe Archambault, professeur et directeur scientifique d’ArcticNet, département de biologie, Université Laval

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