J’écoute la conférence de presse qui tente de faire des « projections » sur l’évolution de la COVID-19. Je me souviens de la réticence de notre bon Horacio à faire des ratios. Je le comprends.

Il ne faut pas se tromper, un exercice de projection n’est rien d’autre qu’un exercice de prédictions mathématiques qui ne vaut plus rien aussitôt qu’une des composantes de l’équation change. Et plusieurs vont changer. Ce n’est pas de la médecine et moi, ça ne me rassure pas. Je n’ai pas besoin de prédictions, j’ai besoin d’action. Aujourd’hui, Nostradamus me fait un peu chier.

Une chose me fait du bien, c’est que presque partout sur la planète, des gouvernements connus comme « de droite » tentent d’appliquer de plus en plus des politiques dites « de gauche ».

Je crois que la crise est en train de recentrer un peu tout le monde politique et la société en général. Je parle de soins hospitaliers pour tout le monde, d’aide financière accrue pour le peuple, de mesures d’urgence, même pour les sans-abris.

On constate que « l’économie » est en difficulté. Je la mets entre guillemets parce qu’elle nous est souvent vendue comme « la » grande déesse. Personnellement, les dieux m’emmerdent autant qu’une boule de cristal dans une discussion qui se voudrait rationnelle.

Donc, pourquoi en difficulté ? Par la pandémie, bien sûr, mais de quelle façon ? Ben, entre autres parce que les gens achètent seulement ce qui leur est nécessaire. C’est peut-être une bonne nouvelle ça, une économie basée sur ce dont on a besoin. L’économie qu’on nous raconte depuis des années me semble quand même… comment dirais-je ? Artificielle.

J’ai fait exprès, j’ai posé LA question naïve à un ami homme d’affaires.

« Admettons que tu construis une entreprise qui vend suffisamment pour pouvoir dire qu’elle « pèse » 20 millions de dollars. Tu comprends ?

— Évidemment, chu pas débile.

— Évidemment. Alors, tu décides de faire ton entrée en Bourse. Tu émets des actions et, bonne nouvelle, ton entreprise intéresse des investisseurs. À la fermeture de la Bourse, ton entreprise vaut maintenant 40 millions de dollars. Tu comprends ?

Je l’énerve.

— Oui-je-comprends.

— Mais tu n’as pas donné deux fois plus de services en une journée, donc c’est une valeur complètement artificielle ?

— Euh… »

Ben oui, euh. Des gens ordinaires subissent les coups et les coûts impitoyables de cette crise, mais justement, si on demandait aux très riches de s’impliquer un peu plus ? Les milliardaires, je ne vous déteste pas, je suis même heureux pour vous, mais ça serait un extraordinaire moment de rapprochement entre tout le monde. Eh oui, vous perdriez une partie de votre chiffre d’affaires : 10, 15, 25 % ? Mais n’auriez pas assez de 10 vies pour dépenser ce que vous aurez encore. 

Et si le désir d’être extrêmement riche répond à un besoin d’être extrêmement heureux, voulez-vous ben me dire qu’est-ce que vous allez faire de votre cash quand votre enfant ou vous-même serez placés sous respirateur artificiel ?

Le virus de la COVID-19 est extrêmement efficace, un vrai virus professionnel. Il passe par où on ne le voit pas et c’est ce qui est particulièrement angoissant, on ne le voit jamais. On est toujours extrêmement aveugles et perdus devant l’infiniment grand ou l’infiniment petit. Généralement, les mammifères sont équipés d’une substance qui s’appelle l’adrénaline. C’est elle qui nous fait décider en une fraction de seconde le « run or fight », courir ou se battre. Dans l’urgence, cette substance nous fait bouger.

Pour moi, le « run », c’est le combat du « plus pour moi, moins pour les autres » et pour moi, il est extrêmement anxiogène comparé au bonheur de voir des sourires auxquels on a participé. Le « run » va aussi quelques fois chercher des boucs émissaires pour essayer de calmer l’angoisse qui le tenaille. Ce faisant, il va préférer un mensonge rassurant à une vérité angoissante. C’est la même sorte de mécanisme qui nous fera prendre de la drogue.

Le « fight », c’est l’entraide. La pire des faces bêtes se révèle souvent d’un grand pragmatisme, d’un grand courage et d’une grande générosité en temps de crise et ça, ça fait du bien à l’angoisse. Aider, ça fait du bien aux aidés, mais aussi beaucoup aux aidants.

Ce qui est particulièrement difficile à rationaliser ces temps-ci, c’est que pour la majorité, l’aide demandée est… de rester chez soi. Pour ceux qui ont un chez-soi. Ça ne semble pas très très héroïque, mais c’est ce qui sauvera le plus de vies. Ça calme, sauver des vies. On est moins seuls chez nous.

Pour ceux qui n’ont pas de chez-eux, on continue comme on avait commencé : on leur fait au moins un sourire, ils nous le rendent et, petit à petit, on sauve notre cœur.

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