Quand cette crise sera terminée, j’irai faire une marche. À tâtons, je marcherai loin et longtemps. En marchant, je serai attentif aux sons de mes pas. Je traverserai Montréal d’est en ouest ; je marcherai loin et longtemps. Attentivement, je regarderai tout ce qui m’entourera. Je sais qu’à ce moment-là, tout sera beau et précieux.

J’identifierai de la beauté là où, dans le passé, il n’y en avait pas. Je sais que je serai ému par toutes sortes de choses. Comme par les nombreux piétons sur la rue Sainte-Catherine et le trafic sur la 40. Je verserai sûrement une larme en voyant des gens sur mon chemin. Je les saluerai en levant la main. Et quand nos chemins se seront croisés, je leur dirai : « La vie est belle, n’est-ce pas ! » Après cette crise, la vie sera encore plus belle.

Après les crises, la vie est toujours plus belle.

Quand cette crise sera terminée, je sortirai de la maison, confiant. Et à ceux qui seront inquiets, je déclarerai : « On nous l’avait pourtant affirmé que ça irait bien ! » Je sortirai la tête haute. Fier d’être un homme. Je ne porterai plus la honte en moi. Une honte face à notre planète et du mal qu’on lui a infligé. Je ne demanderai plus pardon aux animaux qu’on a mis en danger, voire même en extinction.

Après cette crise, la honte s’estompera et la Terre guérira de tout le mal qu’on lui a fait. L’eau sera claire et transparente, le ciel sera d’un bleu opaque et l’air sera frais tout le temps. La Terre ne sera plus malade. On sera fiers puisque ça nous aura pris 100 ans pour la pousser vers l’agonie, mais en un an de confinement, nous l’aurons guéri pour les 100 prochains ans.

Assumer notre petitesse

Quand cette crise sera terminée, j’assumerai ma petitesse face à l’au-delà. Je ne serai jamais plus indifférent devant le frou-frou des étoiles, ni le silence de la lune, ni les caresses du vent, ni la majestuosité du soleil. Cette petitesse que je pensais avoir compris à travers les mots d’Hubert Reeves qui a dit un jour que la vie n’a pas besoin de nous pour continuer. Après cette mésaventure sanitaire, je reprendrai mon véritable rôle en tant qu’homme. J’oserai croire qu’on devra revoir la véritable conception de la vie. Nous allons devoir y penser collectivement.

Ne sommes-nous pas devenus tous un peu philosophes depuis quelque temps ?

Après cette crise, je n’adulerai que la science. Mon lieu de culte sera l’hôpital. Et je n’aurai de passion que pour les infirmiers, les médecins. Je leur vouerai un culte pour ne jamais plus oublier ce qu’ils ont fait pour nous. Pour que nos enfants et les-enfants-des-enfants-de-nos-enfants se rappellent jusqu’à la fin des temps, qu’un jour, les voix se sont tues, que nous avons vécu chacun chez soi, que les anges sont allés au front et la Terre avait pris une pause pour que vivent les peuples.

Quand cette crise sera terminée, je n’aurai plus peur de mon voisin. Et mon voisin n’aura plus de peur de moi. Je n’aurai plus peur d’éternuer en pleine rue, maudissant par le fait même ce coronavirus. Je redeviendrai libre et je demanderai qu’on enlève le masque des mots du dictionnaire. Et j’exigerai le même sort du papier de toilette.

Quand cette crise sera terminée, je sais que je marcherai souvent et longtemps.

Et qui sait, peut-être que le silence dans lequel nous vivons aujourd’hui nous manquera. Vraiment.

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