Devant ses homologues du G7, Justin Trudeau a estimé qu’une lutte efficace contre la pandémie mondiale de COVID-19 nécessite une réponse globale. Car, selon le premier ministre, « aider les autres, c’est aussi s’aider ». La question demeure toutefois de savoir si, en l’état actuel de la fragmentation politique du monde, les États peuvent coordonner leurs efforts pour gagner la guerre contre le coronavirus.

Des obstacles

Depuis les années 2000, les relations internationales sont soumises à trois contraintes qui empêchent la possibilité d’une responsabilité collective globale : l’accentuation de la lutte hégémonique entre les grandes puissances sous l’effet conjoint de la lutte contre le terrorisme et de l’affirmation décomplexée de la puissance chinoise ; une remise en question de la légitimité des institutions internationales par une critique acerbe de la mondialisation ; le réenchantement des mythes nationaux qui s’est traduit, au niveau international, par une forte revendication de la souveraineté des États et un privilège accordé à l’unilatéralisme ; enfin, la mise en pause de la problématique de la justice globale repérable dans le fait que la lutte contre la pauvreté mondiale a perdu sa priorité dans l’agenda des réunions du G7.

Surtout depuis que l’élection de Donald Trump a réorienté les relations transatlantiques dans un sens qui oblige chaque nation, désormais, à se préoccuper du renforcement de sa puissance dans un monde de plus en plus déréglé. 

C’est d’ailleurs ce repli sur soi, renforcé par l’exacerbation du discours nationaliste, qui explique aussi la réalité de notre monde comme celui d’un monde en mal de solutions collectives. Dans ce contexte qui plonge le système international dans une inquiétante turbulence, comment espérer que la lutte contre la COVID-19 prenne la forme d’une responsabilité globale ? Quel rôle pourra jouer la diplomatie canadienne pour contrer dans les États faillis, comme en Afrique par exemple, la propagation de cette épidémie du coronavirus ?

Que peut le Canada ?

Sur le continent africain, le pessimisme quant à l’incapacité des gouvernements à lutter efficacement contre la COVID-19 a déjà gagné la majorité des experts.

Le Nobel de la Paix 2018, le DDenis Mukwege, vient d’appeler dans les colonnes du journal Le Monde à une intervention rapide si on veut éviter l’hécatombe. Dans le même quotidien, « un collectif d’associations œuvrant dans le secteur du développement par l’éducation exhorte le président français Emmanuel Macron à ne pas sacrifier la solidarité internationale ». C’est justement cet appel que Justin Trudeau reprend à son compte lorsqu’il plaide pour une réponse globale face à la menace que représente la pandémie mondiale de COVID-19.

Mais pour sauver la solidarité internationale en ces temps de crise sanitaire, le Canada doit réinventer sa diplomatie à la lumière des contraintes politiques qui pèsent sur les relations internationales : il nous faut avoir l’heure juste du monde et par conséquent un nouvel imaginaire en matière de politique étrangère.

Pour ce faire, le gouvernement fédéral doit renoncer tout d’abord à l’idéalisme et au suivisme qui ont contribué, ces dernières années, à l’inefficacité de la diplomatie canadienne.

Pour aider les pays pauvres à lutter contre la COVID-19, le Canada ne doit pas nécessairement, dans le contexte actuel des relations internationales, s’inscrire dans une logique multilatérale. Le gouvernement fédéral doit définir sa propre politique d’aide et mettre en place un organe spécial chargé d’évaluer les besoins des pays nécessiteux. Il reviendra à cet organe, au moyen des représentations diplomatiques canadiennes à l’étranger, de mettre en place des stratégies qui rendraient effective l’aide canadienne. L’objectif étant que le Canada prenne l’initiative de manière autonome sans attendre absolument la collaboration de ses alliés.

Rien n’empêche par ailleurs que l’évaluation de la situation conduise le gouvernement fédéral à réorienter sa stratégie en fonction des pays riches disposés à fournir de l’aide ou en prenant en compte les mesures mises en place par les organisations internationales. L’essentiel est que le Canada ne fasse pas du multilatéralisme une condition essentielle à la satisfaction de ses obligations de justice internationale. 

Le Canada est une puissance qui s’ignore. Ce qui voile cette puissance cependant, c’est le manque de souveraineté en matière de politique étrangère. Si Justin Trudeau veut sauver la solidarité internationale, il doit retrouver l’imaginaire diplomatique de Lester B. Pearson.

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