Le 13 mars dernier, le gouvernement du Québec a annoncé la fermeture des écoles, des cégeps, des universités et des services de garde devant la nécessité d’agir contre la menace qui plane sur nous tous dans l’air qu’on respire. Nous respirons tous en ce moment le même air, et donc le même avenir. Étrange temporalité de pandémie.

Mes pensées ce jour-là ont immédiatement été pour tous ces enfants et adolescents qui, comme moi quand j’étais petite, détestent les fins de semaine, les fermetures lors de tempêtes et les vacances scolaires, parce que l’école demeure encore le seul lieu en ce bas monde où ils se sentent en sécurité, où ils peuvent reprendre un peu leur souffle, et parfois même le seul lieu où ils peuvent manger et ne pas être témoin ou victime de violence quotidienne.

Depuis des mois maintenant, des mois, nous sommes nombreux à nous époumoner sur la place publique, par nos témoignages à la commission Laurent, dans les médias, dans nos communautés de chercheurs, dans les organismes de défense des droits des enfants placés, pour faire comprendre au Québec que les problèmes exacerbés à la DPJ de l’Estrie ne sont que l’arbre qui cache la forêt, que le problème n’est pas qu’un problème statistique, technique, gestionnaire ou encore de manque d’effectifs.

Ce grand rêve sur lequel tous ceux qui regardent seulement dans la direction de l’arbre, cette foutue baisse des listes d’attente que l’on veut faire fondre pour se glousser ensuite collectivement de notre « efficacité technique » et notre grande victoire, cette « baisse de la liste » maintenant est devenue le cauchemar visible, porté à la lumière de tous. L’heure aux festivités ?

Le rêve technique et gestionnaire d’hier, le plus grand cauchemar concret et violent pour des milliers de jeunes enfants et adolescents aujourd’hui visible à la face du monde. Temporalité de pandémie. Degré zéro du monde. Tout devient clair. Visible aux yeux de tous et de toutes.

Le monde ne sera plus jamais le même. Nous devrons être nombreux à le rappeler si on nous demande encore demain de regarder l’arbre plutôt que la forêt. Nombreux.

Devant les cris d’alertes des acteurs de tout le réseaux de prise en charge, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, l’organisme CARE jeunesse et la cellule de crise SOSenfanceplacée qui s’est créée dans la foulée des mesures de confinement, la réponse du ministre délégué à la Jeunesse, via son attachée de presse apparait surréaliste : « Il est vrai qu’avec la fermeture des écoles, qui sont les principaux acteurs à faire des signalements avec les médecins et la police, le nombre peut diminuer. Cependant, il faut mentionner qu’il se produit le même phénomène lors de la période estivale. » Un peu comme en période estival ??? Ici, je ne peux cacher ma colère devant des propos aussi insensibles à la réalité du terrain et le cri de SOS lancé par tout le milieu.

Pour ce qui est donc de ces réponses du ministre délégué à la Jeunesse via son attaché de presse, je vais m'abstenir de commenter plus ces propos. Je pourrais devenir odieuse et irrespectueuse et ça ne nous avancerait guère collectivement. Disons simplement ceci : dans un dernier souffle pour entretenir le mensonge, la bêtise, la connerie et la place des festivals, le ministère essaie de nous faire encore tous et toutes regarder dans la direction de l'arbre.

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