Je vous propose de faire contre mauvaise santé bon cœur en tirant quelques idées neuves de l’actuelle débâcle généralisée. Celle que je vous propose est une réflexion sur le concept de transmission à partir de quelques notions de base de biologie.

Un virus n’est pas vivant. Il n’est que du matériel génétique encapsulé ; il se reproduit et se propage en parasitant le métabolisme de son hôte. Il n’est, au fond, qu’un ensemble de directives sur la manière dont la cellule qu’il infecte doit se comporter – une recette, si on veut, qu’elle se met à suivre obligatoirement comme sa nouvelle raison d’être.

Une idée fonctionne sur le même modèle. Quand elle est entrée dans un esprit, elle le manipule inévitablement.

Soit il la trouve tellement fausse qu’elle renforce ses certitudes et comportements passés ; soit il la trouve plausible et se met à agir selon elle. Si elle est jugée fausse, elle entre en latence – elle pourra être réactivée lorsque présentée par quelqu’un d’autre, pour mieux le contredire. Si elle est jugée vraie, elle se reproduit et cherche à se propager, soit implicitement par l’exemple, soit explicitement par l’argumentation dans les discussions ultérieures à la contamination.

On a tendance à penser que le virus est mauvais, alors que l’idée peut être bonne. Mais le virus aussi peut être bon : certains bactériophages, par exemple, sont utilisés pour le traitement d’infections bactériennes ; le microbiote intestinal, auquel on découvre toujours de nouvelles vertus, comporte des virus autant que des bactéries : et il est possible que ce soit eux, en plus d’elles, qui créent les avantages de la transplantation fécale.

Le coût de la distance

Je ne dis pas que la COVID-19 peut avoir du bon. Pour l’instant, de ce qu’on en constate, c’est un pathogène pur et dur. Mais que perd-on en limitant sa transmission par un blocage généralisé de toute transmission interindividuelle ? La seule réponse que je trouve : potentiellement beaucoup. Nous n’avons pas encore les outils pour le calculer, le produit intérieur brut (PIB) étant une mesure incomplète de la valeur tirée de l’échange dans le contexte où tout échange n’est pas monétisé, et l’indice de développement humain (IDH) se proposant de comptabiliser la valeur même produite hors de l’échange.

Je nous souhaite, d’ici la prochaine pandémie, d’avoir créé de tels outils. Si celle-ci peut être l’occasion de constater la nécessité de ces outils et d’y investir davantage, tant mieux. 

Évaluer la valeur créée par les relations humaines est une condition de possibilité de relations efficaces.

Il s’agit de déterminer dans quelle mesure le lien est une occasion de perte ou de production de valeur. Actuellement, par le concept « oxymorique » de distanciation sociale, on ne réalise pas que ce qui est recommandé, plutôt, est une désocialisation. Celle-ci peut être valable quand la proximité est une occasion de nuisance interindividuelle (ici, le risque de contagion). Mais pour en démontrer la valeur, il faut prouver que le coût de la distance est inférieur au bénéfice de ce qu’elle préserve.

Dans le contexte actuel, il est facile de dire qu’il faut préserver la vie à tout prix. La vie est nécessaire à la valeur ; d’accord. Mais ce n’est pas pour rien que la notion de qualité de vie s’est répandue depuis un moment en éthique de la santé. La quantité de vie ne peut plus être le seul objectif des soins, parce qu’ultimement, il n’y a pas de corrélation directe entre quantité de vie et bonheur. Après les life years simples, ce sont désormais les quality-adjusted life years (QALY) qui guident les décisions de santé systémiques. Présentement, dans leur hâte à condamner quiconque ose se poser la question de la qualité de vie sacrifiée sur l’autel de la quantité de vie, les tenants de l’isolement à tout prix ne réalisent pas qu’ils nous coupent du seul critère décisionnel pertinent.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion