On y est. Un sondage Léger mené pour le compte de La Presse canadienne révélait la semaine dernière que 60 % des Québécois estiment que les revendications des Autochtones sont valides. De plus, 80 % des personnes sondées dans la province croient que le gouvernement canadien devrait régler ses différends avec les peuples autochtones. Des questions posées en plein milieu de la crise que l’on vient de connaître.

De simples chiffres peut-être, mais pas pour nous. Pas pour moi du moins. J’aurais eu envie de vous dire, un à un, merci, d’inonder vos boîtes courriel de cœurs et de sourires. De clamer : « On n’a pas fait tout ça pour rien. On continue. Ensemble, cette fois. »

Quelque chose, à un moment qu’on ne peut pointer avec exactitude, a changé. Tranquillement, les fantômes de la méconnaissance d’un passé pas si lointain se sont affaiblis.

Puis il y a eu ça : le ministre des Services aux Autochtones, Mark Miller, qui lance cette phrase toute simple, mais tellement importante pour la suite des choses, en entrevue avec Montreal Gazette : « Ils peuvent avoir dit des choses avec lesquelles je suis en désaccord, mais jamais ils ne m’ont dit quelque chose qui n’était pas vrai. » C’était dans le contexte où le ministre négociait avec les Mohawks de Tyendinaga et de Kahnawake.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

La couverture médiatique du récent blocus ferroviaire à Kahnawake aura permis aux Mohawks de prendre la parole, souligne l’auteure de ce texte. 

Cette phrase, elle fait preuve d’honnêteté, de courage même. Un état qui faisait défaut aux gouvernements précédents, même au présent parfois, pour rétablir une relation basée sur la confiance. Elle mérite d’être reprise. Est-ce que tout est gagné ? Non. La machine est énorme et embourbée. La Loi sur les Indiens plane. Certains esprits sont encore obtus. Mais c’est un début. Il faut bien qu’il y en ait un. On sent ici que le représentant du gouvernement en la matière a compris quelque chose lui aussi, ne serait-ce que l’humilité de dire : « On n’a pas tout vrai. On vous écoute. Vraiment. » C’est du moins ce que j’aimerais croire.

Donc il y a ça. Nous aux infos. Ce n’est pas la première fois. Cette fois-ci, par contre, on nous a donné la parole. En grand. De l’intérieur. Et ça a su faire une différence malgré certaines poches de résistance.

Premiers peuples, premiers rôles

Et il n’y a pas que dans les infos que nous sommes présents. Nos vies prennent également forme dans l’univers télévisuel québécois, en fiction cette fois. Je n’ai en effet jamais vu autant de personnages autochtones sur mon écran que cet hiver. Et pas que pour des petits rôles ou pour se donner bonne conscience. De véritables intrigues, certaines maladroites, certes, mais bien présentes.

Que ce soit dans les séries Fugueuse ou Épidémie notamment, mais aussi Eaux turbulentes présentée pendant les Fêtes du côté d’ICI ARTV, les premiers peuples, souvent des femmes de surcroît, tiennent des premiers ou seconds rôles. Conséquemment, c’est toute la trame narrative qui s’inscrit dans un univers autochtone contemporain encore méconnu.

Des prostituées, des femmes qui consomment, se retrouvent en prison, sont violentées, vivent dans la rue, disparaissent. On est encore, avouons-le, dans le stéréotype autochtone à sa plus simple expression. Est-ce que ça me dérange ? Oui et non. On se trouve peut-être ici dans une question de passage obligé.

Un passage sombre et étroit qui raconte une vie difficile — la seule qui se veut d’ordinaire médiatisée — mais intéressante dans un cadre de fiction, cette vie par laquelle seulement nous semblons exister, mais qui débouchera à terme, je le souhaite, dans cette réalité multiple qui est la nôtre, baignée dans une autre lumière.

Déjà, un personnage se démarque du lot. Celui de cette femme inuk dans la série Épidémie, doctorante en biochimie, interprété par l’artiste visuelle Nancy Saunders. Un personnage qui, à travers tous les autres qui s’embourbent dans leur misère, nous fait un clin d’œil, l’air de dire « c’est aussi ça être Inuk ».

Nous pourrions nous demander ce qui a éveillé cet intérêt plutôt soudain envers les Autochtones puisqu’à part le personnage de Bill Wabo dans Les pays d’en haut et une Natasha Kanapé Fontaine jouant une magistrale Eyota Standing Bear dans Unité 9, d’aussi loin que je me souvienne, les Autochtones étaient absents des écrans, visibles dans cet invisible.

Toute la poussière remuée par l’enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées aura sans doute permis de raconter des réalités dures, mais également de mettre en lumière des espoirs nourris. Les efforts déployés à l’été 2018 lors de la saga Kanata n’auront pas été vains puisque, maintenant, on nous consulte. Nous incarnons nos propres rôles. Les auteurs se questionnent, cherchent, voient que nos vies, à la fois complexes et simples, peuvent aussi être dignes d’intérêt. Que nous faisons partie de cette société.

Nos voix résonnent et ne se tairont plus. Et un jour pas si lointain, nous saurons raconter de belles histoires.

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