Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre dans le secteur de l’éducation, les enseignants du Québec veulent négocier de meilleures conditions de travail et il me semble impératif de lever le voile sur la réalité de l’enseignement à la formation continue.

Depuis maintenant 16 ans, je roule ma bosse comme enseignante. Déjà ! Quelle aventure ! D’abord en adaptation scolaire et depuis plusieurs années comme enseignante de français et de littérature au collégial. Avec plusieurs acrobaties, j’ai toujours réussi à enseigner à temps plein, mais c’est un réel cauchemar d’être précaire en permanence. Mon souhait est de toujours enseigner la littérature, car j’ai tout de même étudié cinq ans dans ce domaine. Toutefois, pour combler mon horaire, j’accepte d’enseigner le français comme chargée de cours à la formation continue puisque ce qui m’anime par-dessus tout, c’est de transmettre ma passion pour la beauté de la langue française.

Parmi les mythes sur la profession enseignante au Québec, il y a la croyance que nous sommes bien payés.

On entend, à tort, que les enseignants ont un bon revenu à la formation continue et il n’y a rien de plus aberrant.

Dans un premier temps, la reconnaissance d’expérience n’est nullement prise en compte dans le calcul salarial. Est-ce qu’un médecin qui cumule plusieurs années d’expérience accepterait d’avoir le même salaire qu’un jeune fraîchement sorti de la faculté ? Comment se fait-il qu’on accepte cette situation ? La réponse est simple : on n’a pas le choix. On tente de joindre les deux bouts. On se dit que c’est mieux que de travailler au salaire minimum. On se dit qu’on fait ce qu’on aime, c’est-à-dire enseigner ! On se concentre sur la réussite de nos élèves, sur la matière qu’on transmet avec fougue malgré notre misérable paie. On tente de se contenter de ce qu’on nous offre en attendant de monter en ancienneté et de pouvoir enseigner au régulier.

De plus, à la formation continue, on n’est pas payé pour la préparation de nos cours, pour la correction et pour le suivi avec les étudiants. On fait du bénévolat. Il est vrai que le taux horaire est un peu plus élevé, mais il est nettement insuffisant pour tout le travail qui est à faire en dehors de la classe. C’est un peu comme si l’enseignement se résumait à une prestation ! Avec ce faible revenu, on est dans l’obligation de suivre plusieurs cours pour obtenir un salaire raisonnable. Il faut également noter que la paie de vacances est incluse dans le taux horaire. Une fois le contrat terminé, on se retrouve sans le sou à la recherche d’un autre contrat et on fait une demande d’assurance-emploi en espérant avoir un appel au début de la prochaine session.

Jongler avec les horaires

Jumeler l’enseignement au régulier et l’enseignement à la formation continue apporte aussi son lot de problèmes puisque les deux départements font souvent chambre à part. On se retrouve donc souvent avec trois ou quatre planifications dans une même semaine et un horaire digne d’un premier ministre. Pour ma part, j’ai souvent enseigné huit heures dans une même journée et donné trois cours différents. La galère ! Je travaille dans deux établissements, comme plusieurs précaires, et je dois tenter de tout combiner comme je peux pour survivre dans ce milieu parfois hostile. Avec cette surcharge, il est impossible d’offrir aux étudiants les services auxquels ils ont droit.

J’aime enseigner et j’ai toujours une étincelle dans les yeux et dans le cœur au début de chaque session. Cet amour de la profession me conserve intacte malgré vents et marées.

Malgré tout, un petit goût amer envahit mon cœur lorsque je pense au fait que les enseignants du Québec sont les moins bien rémunérés du Canada et que mon travail n’est pas reconnu de manière juste et équitable. Il serait donc temps que les Québécois se mobilisent pour l’équité, qu’un vent de solidarité nous soude pour un avenir meilleur.

Comme dirait Jean Cocteau : « Il est triste de jouer à cache-cache dans ce monde où l’on devrait se serrer les uns contre les autres. » Si on améliore le sort des enseignants, c’est toute la société qui en tirera les bénéfices, car il ne faut pas oublier que plus que tout autre facteur lié à la réussite scolaire, la qualité de l’enseignement joue un rôle crucial.

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