Le 2 février dernier a marqué le deuxième anniversaire du décès de mon fils Alec, mort par suicide à 20 ans d’une maladie non diagnostiquée.

Le 2 février, c’était aussi le début de la 30e Semaine nationale de prévention du suicide, sur le thème « Parler du suicide sauve des vies ». Toute la semaine, on a encouragé « les Québécois qui vivent un moment difficile à parler à un proche ou à un intervenant » et on a invité les divers milieux « à s’engager pour la cause, puisque la prévention du suicide est l’affaire de tous ».

La belle affaire ! Parlez-en à une endeuillée du suicide. Toutes et tous, moi y compris, vous diront que leur cher disparu a exprimé sa souffrance, crié à l’aide, mais que personne ne l’a entendu, sauf ses proches aimants qui l’ont accompagné, impuissants, pendant des semaines, des mois, des années, dans les portes tournantes du système de santé. 

D’ailleurs c’est un fait reconnu : la majorité des victimes du suicide ont consulté dans l’année précédente. Pour ces disparus, la parole n’a pas suffi.

Dans la vague des deux forums en santé mentale (jeunes et adultes) de 2019, plusieurs proches aimants endeuillés ont raconté leur histoire douloureuse dans les médias. Combien de ces récits tragiques faut-il encore avant que l’on comprenne qu’il faut plus que simplement « demander de l’aide » et « être à l’écoute » pour contrer le suicide au Québec ?

Une maladie mal traitée ?

Autre fait connu : 90 % des victimes souffraient d’une maladie du cerveau. Le suicide serait-il donc le résultat malheureux d’une maladie mal traitée ? Il me semble que la démonstration n’est plus à faire.

Depuis des années, des endeuillés du suicide scrutent rapports de coroners, témoignages, plaintes de patients et de proches, et arrivent au constat d’une prise en charge inadéquate du traitement de la maladie psychiatrique au Québec. Listes d’attente interminables, mauvais diagnostics, non-respect des protocoles dans la prescription de médicaments (tels que les antidépresseurs), mauvaise évaluation du risque suicidaire, manque de suivi, manque de formation des intervenants, absence de partenariat avec les familles, absence de services spécialisés dans la communauté, déshumanisation du patient… les exemples se répètent.

Les recherches actuelles sur le suicide et la maladie mentale mettent en évidence la prépondérance de facteurs biologiques, inflammatoires, génétiques et environnementaux (pollution, pesticides) chez les victimes d’idéation suicidaire – enjeux qui requièrent des interventions plus ciblées que de simples cours d’éducation à la santé mentale ou la multiplication des lignes d’écoute.

Pourtant, les solutions existent et des modèles ont fait leurs preuves ailleurs dans le monde (notamment en Angleterre). Ils sont le fruit de l’engagement des dirigeants à promouvoir une culture d’amélioration continue.

Lundi dernier, le mouvement d’endeuillés Unis face au suicide, qui représente plus de 200 familles, a envoyé une lettre au premier ministre François Legault lui demandant d’agir en créant une commission spéciale indépendante sur le suicide afin de mettre en lumière les lacunes de notre système et de formuler de sages recommandations pour l’élaboration de la meilleure stratégie nationale possible.

Selon les données fraîchement publiées de l’Institut national de santé publique du Québec, 1045 personnes se sont enlevé la vie au Québec en 2017 et près de 3900 personnes ont été hospitalisées pour une tentative de suicide en 2018 (certaines avec séquelles graves), une tendance à la hausse. Les tentatives ne requérant aucune hospitalisation n’ont pas été comptabilisées. C’est alarmant !

Le suicide n’est pas une fatalité. C’est une tragédie évitable. À la lumière de ces données, il est clair qu’il faut aller plus loin que de simplement dénoncer les lacunes du système et se donner les moyens de nos ambitions. Parler, c’est bien ; agir, c’est mieux !

> Lisez la lettre envoyée au premier ministre

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