Par ses promesses, est-ce que la chaîne Starbucks utilise une tactique marketing d’écoblanchiment pour redorer son image et paraître plus écoresponsable ? Ou respectera-t-elle vraiment ses engagements ?

Le plan de Starbucks pour réduire ses émissions de carbone démontre sans aucun doute de l’ambition. Le géant du café tient à réduire de moitié ses déchets alimentaires, sa consommation d’eau et ses émissions de gaz d’ici 2030. L’année de référence étant 2018 sur la base d’un audit réalisé par l’entreprise. 

Vu sa dimension imposante, l’engagement de Starbucks pourrait avoir des répercussions importantes dans l’industrie alimentaire. D’autres chaînes ont fait des annonces similaires. McDonald’s vise à réduire ses émissions de 36 % par rapport aux niveaux de 2015 d’ici 2030. Yum ! Brands, qui possède KFC et Taco Bell, cherche à réduire ses émissions de 10 % d’ici la fin de 2025.

Tous ces efforts ont du mérite, mais l’appel de Starbucks diffère énormément. Dans sa quête pour sauver la planète, Starbucks amène ses clients avec lui.

Il existe plus de 35 000 Starbucks dans plus de 80 pays. L’entreprise est responsable de l’émission de près de 17 millions de tonnes métriques de gaz à effet de serre par an, en utilisant un milliard de mètres cubes d’eau et en déversant 868 kilotonnes de tasses de café et autres déchets.

Starbucks vise un bilan environnemental positif en stockant plus de carbone qu’il n’en libère, en éliminant les déchets et en fournissant plus d’eau douce qu’il n’en utilise. Tout ce qui sort d’un Starbucks sera servi dans des contenants recyclables ou compostables, du café aux déjeuners en passant par les friandises. Outre ces mesures, les plans de Starbucks ne s’arrêteront pas là.

Le retrait des produits laitiers

La plus grande surprise viendra de ce que Starbucks entend faire de son menu et des produits qu’il vend. Les produits laitiers seront pratiquement relégués au second plan. Les substituts laitiers constitueront la norme dans les magasins Starbucks. Crème fouettée, crème et lait deviendront bientôt de simples options.

Bien que les produits laitiers soient généralement moins chers, Starbucks pense que cela va changer.

Starbucks mise sur son pouvoir d’achat et le volume qu’il représente pour avoir accès à des solutions de rechange aux produits laitiers à moindre prix.

Pour inciter les fournisseurs de ces solutions de rechange à se développer, la demande devra être augmentée par d’autres acteurs majeurs. L’industrie laitière aura probablement des problèmes avec l’abandon de Starbucks. Et la science se range derrière tout cela. Sur la base d’une étude britannique publiée en 2018, la production de lait nécessite plus de terres et de ressources, plus d’eau et émet plus de carbone que tout autre substitut au lait. 

Les substituts à base de plantes existent depuis un certain temps déjà chez Starbucks, mais cette annonce la rend officielle. Les produits laitiers sont aussi sains que toute autre option, mais cela ne semble pas avoir d’importance pour Starbucks, car la chaîne le fait pour la planète.

Compte tenu de l’influence de Starbucks, d’autres chaînes pourraient emboîter le pas si les substituts laitiers deviennent plus abordables, comme le prévoit Starbucks.

De plus, Starbucks est connue pour vendre des produits à des prix plus élevés que ceux de ses concurrents. Les clients s’attendent à payer plus lorsqu’ils visitent Starbucks. Cela donnera à l’entreprise un avantage et aidera la chaîne à absorber une partie des coûts additionnels.

La demande chez Starbucks est généralement plus élastique. En d’autres termes, ses clients restent beaucoup moins sensibles aux prix que ceux qui visitent d’autres cafés. Tim Hortons annonce de temps à autre des hausses de prix sur ses menus. Cela ne se produit pas chez Starbucks. L’entreprise entretient son capital de marque de manière inégalée, et il le facture sans jamais s’excuser.

Une démarche risquée

Atteindre ces objectifs environnementaux ne constitue pas une mince tâche pour Starbucks. En fait, le cours des actions de la chaîne a baissé depuis cette annonce. Il y a quelques semaines à peine, Maple Leaf Foods annonçait aussi son engagement à devenir une entreprise neutre en carbone. Avec une comptabilité responsable, Maple Leaf peut y arriver sans modifier considérablement son fonctionnement.

La chaîne Starbucks, quant à elle, a choisi d’aller encore plus loin et de s’engager à changer l’impact de son fonctionnement sur l’environnement. Au lieu d’une fixation sur la comptabilité liée aux changements climatiques, le géant de Seattle change tout ce qu’il fait, de la façon dont il s’approvisionne en ingrédients à la conception des menus, en passant par la gestion quotidienne des magasins.

Mais la responsabilité sera essentielle pour les entreprises qui prennent des engagements audacieux.

Les entreprises échouent souvent sur le marché de la durabilité. Par exemple, en 2008, Starbucks a promis de servir le quart de ses boissons dans des contenants réutilisables d’ici 2015. On constatait en 2016 que seulement 2 % de toutes les boissons étaient servies dans des contenants réutilisables.

Le public ne sera pas aussi indulgent cette fois-ci, et n’hésitera pas à considérer toute initiative timide de réduction des émissions de gaz comme de l’écoblanchiment.

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